Bodin nous invite à quitter pour toujours le musée de la techno

Bodin Revox
Traffic, 2018
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Musique Journal -   Bodin nous invite à quitter pour toujours le musée de la techno
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Cela fait bien longtemps que je ne suis plus de très près les sorties house et techno, je crois que c’est parce qu’elles font me sentir à la fois largué et ennuyé – un sentiment confus et désagréable qui m’empêche donc d’avoir la curiosité de régulièrement “checker les news”, mais qui parfois se dissipe d’un coup quand j’entends un truc comme le disque de Bodin dont je vais parler aujourd’hui, et qui n’est d’ailleurs plus tout à fait une nouveauté puisqu’il est sorti en novembre dernier, mais bref, faisons comme si.

Bodin est un artiste de Francfort qui sort ses disques sur le label Traffic, basé non loin de là, à Offenbach, ville par ailleurs connue pour son club légendaire, le Robert Johnson. Sa musique comme celle de ses collègues peut évoquer des choses très familières aux gens qui écoutaient de la techno, de la house et à peu près tous leurs sous-genres des nineties : on y entend entre autres des échos du son bleep anglais, de la deep house new-yorkaise “mentale”, du Detroit deuxième vague et du Detroit par procuration, il y a même des plans 2-step, en somme ça sonne au départ comme une sorte de moodboard de ces scènes redécouvertes ou plus exactement « re-digguées » par les dernières générations d’artistes depuis quelques années. Chez d’autres producteurs pareillement instruits dont je ne citerai pas les noms qui se terminent par exemple en -igue ou -aire, ça peut me déprimer de visiter ce musée de la club music d’antan. Mais dans le cas de Bodin et de ses amis de Traffic, on dirait que ce digging intensif leur inspire, sinon des idées foncièrement neuves, du moins un désir et une exigence qui dépasse le cadre de la seule restitution : on sent une vraie volonté de fraîcheur, une spontanéité, et surtout un sens du corps et du mouvement qui fait zapper la question de savoir si c’est du nouveau ou du vieux – c’est juste efficace, sincère, et parfois très beau. C’est sans aucun doute parce que le club, en l’occurrence ici le Robert Johnson, reste leur principal terrain d’expérimentation, un terrain qui malgré tout ce qu’on pourra dire demeure toujours propice à oublier le temps, l’histoire, les modes et le réflexe critique.

Et c’est dans ces conditions que les constructions sobres mais tendues de Bodin peuvent éclore de la plus parfaite des façons. Peut-être que l’absence d’effets contemporains rabâchés rend paradoxalement avant-gardiste la nudité de ses compositions. Peut-être aussi que de longues années de minimale torsadée puis de techno de chantier ont fini par générer comme un besoin de clarté chez les danseurs, et que les morceaux de Bodin tombent juste au bon moment, n’étant ni trop durs, ni trop doux, et d’une neutralité hyper satisfaisante, comme un crémant du Jura bien sec, un dimanche midi, quand on a passé son samedi soir à enchaîner des vins nature généreux mais caractériels.

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