Pour localiser le groove, Matias Aguayo est parti méga loin

Matias Aguayo Support Alien Invasion
Cómeme/Crammed Discs, 2019
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Musique Journal -   Pour localiser le groove, Matias Aguayo est parti méga loin
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Je vous conseille d’écouter Support Alien Invasion en marchant dehors, de préférence dans un parc ou carrément dans la nature, plutôt qu’en restant assis devant votre ordi ou sur un canapé chez vous. C’est un disque qui a besoin d’espace pour s’épanouir, se mouvoir autour de vous, et vous donner en retour l’air nécessaire pour lui répondre et vous mêler à ses sons et ses grooves. Ça doit aussi être pas mal de l’écouter dans un cadre de type clubbing de plein air mais y a-t-il des DJ qui voudraient jouer un album en entier, comme ça, sans prévenir ? Peut-être, pourquoi pas, après tout il ne fait quarante minutes. Et puis sinon on peut toujours espérer voir Aguayo l’interpréter en live, c’est aussi une possibilité.

C’est en tout cas un album que j’ai du mal à identifier par des mots, mon esprit ne s’y meut pas avec agilité, mais pourtant il éveille en moi un feeling du genre évident et manifeste. C’est une fabrication vertueuse, donc, qui s’adresse d’abord à l’intelligence du corps et fait confiance à celui-ci pour ne pas se crisper devant la manière qu’elle a de déplacer les points de repères rythmiques et « motiviques » de la dance music. Au lieu de taper là où il faut, c’est-à-dire là où un kick ou une snare sont censés se placer, Aguayo efface la grille standard et en la gommant il imagine d’autres lignes, d’autres croisements, d’autres impacts.

Tout ça vibre d’une énergie kinétique qui semble d’abord fuyante, mais qui se précise et s’intensifie formidablement au fil des écoutes. Comme une bonne partie des productions du prodigieux Germano-Chilien, Support Alien Invasion propose une musique surtout composée de percussions et de textures brutes, qui au mieux relègue les idées mélodiques et harmoniques au deuxième plan, dans une interzone qui vient envelopper sans les dominer ses rythmiques asymétriques, et qui au pire les fait disparaître ou presque, sans que ça devienne du réductionnisme techno de 2008, puisque l’ambiance générale reste plus ou moins live, « organique » – mais ça ne dégénère pas pour autant en fiesta caliente à base de percussions latines pour touristos.

Le talent incroyable d’Aguayo, c’est donc qu’il dépouille ses morceaux non pour les mettre à nu ou les schématiser, mais pour y libérer une couche cachée, une espèce de brume interlope qui lentement surgit. C’était déjà le cas notamment de A Night At The Tilehouse en 2007, qui donnait l’impression d’être une collection de morceaux vides, de ruines, avant de devenir complètement addictif et de laisser entendre l’écho de mille voluptés fantômes, de mille creux révélés le temps d’un instant. Mais là où ce EP pour Soul Jazz respectait à peu près la logique du 4/4, Support Alien Invasion se lâche beaucoup plus sur les polyrythmies, et du coup ça devient dingue. Sur le principe, ça pourrait se rapprocher de Theo Parrish à son plus deep chéper, ou des aryhtmies anglaises post-dubstep genre, je dis ça un peu au pif, Shackleton ou LOFT, voire des mondes deconstructed club de NON ou NAAFI, mais en fait, bof. Je crois que Matias est davantage à la bonne franquette, et qu’il entretient finalement un rapport plus naïf à la danse malgré le niveau d’abstraction parfois élevé de certains morceaux de son nouveau disque.

Et puis il y a aussi l’humour débilos qu’il peut avoir et qui ici s’en donne à cœur joie puisque le thème extraterrestre du disque s’y prête forcément. J’adore le morceau « Laissez-moi parler », le plus tradi en termes de rythme mais le plus tipar en termes de propos. Si vous ne l’avez pas encore découvert à sa sortie clippée il y a quelques semaines, je vous recommande aussi le fabuleux « Pikin », tourné à Barcelone avec deux super danseurs réunionnais, Aurélie et Nicolas Zemire, qu’accompagne un Aguayo lui-même très en verve au niveau chorégraphique – et d’ailleurs j’aimerais bien savoir quel artiste électronique de 46 ans pourrait se la donner comme ça en France (à part éventuellement George Issakidis, ok) ?

Ce lundi, je parlais d’expérimentation émotionnelle régressive, plus ou moins irresponsable, au sujet de Mike Paradinas, par opposition aux musiques expérimentales validées par les institutions adultes. Matias Aguayo, lui, s’oppose également à ces dernières mais prend la route de l’absurde parfois le plus obtus, du fun le plus gratuit, tout en gardant en tête que c’est pas parce qu’on délire qu’on doit s’arrêter de danser. Ou en tout cas qu’on doit cesser d’essayer de danser, de tenter des choses, peu importe, en suivant non pas comme on peut, mais comme on veut, ces nouveaux et farouches patterns soi disant venus d’un autre monde.

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