Funk émotif et soft-rock élancé sous le soleil californien

Various Artists Americana : Rock Your Soul – Blue Eyed Soul and Sounds from the Land of the Free
BBE, 2011
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Musique Journal -   Funk émotif et soft-rock élancé sous le soleil californien
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À défaut de digguer de vrais morceaux rares, je vous propose aujourd’hui de digguer une compilation de morceaux rares déjà un peu oubliée depuis sa sortie en 2011. Ça peut sembler cuistre de ma part en termes de « service », mais ça fait maintenant deux bonnes décennies que le marché des anthologies tourne à pleins tubes, et dans le feu de l’action on en oublie pas mal – du coup je me dis que ça vaut le coup de revenir sur certaines d’entre elles. Celle-ci, par exemple, éditée par un label pourtant bien en place, BBE, n’a à ma connaissance pas connu de gros retentissement, peut-être à cause de sa pochette un peu boring mais aussi, plus probablement, parce qu’elle s’intéresse à un corpus moins identifiable et moins obscur que, au hasard, les grooves post-punk de Nine O’Clock Drop les millefeuilles jazz-wave brésiliens de Outro Tempo.

Le style privilégié par Zaf Chowdry et Mark « Goodvibes » Taylor, les deux responsables de Rock Your Soul, le sous-titre du disque le décrit comme de la blue-eyed soul, soit de la soul chantée et jouée par des gens aux yeux bleus – par des blancs, quoi. Sauf qu’ici c’est moins l’habituelle soul historique des années 60 qui sert de modèle aux artistes qu’à peu près tout ce qui en a découlé dans les années 70 : le funk psychédélique, la disco, le style quiet storm dont j’ai parlé il y a peu au sujet d’Anita Baker, les débuts de qu’on appellerait ultérieurement boogie, etc. À ces références, ils ajoutent des touches de rock pas trop excité – d’où le titre –, de sunshine pop et parfois même de folk, ce qui nous emmène donc vers quelque chose de très californien, de très soft-rock, mais comme ils sont pour la plupart de musiciens « en développement » – certaines des sources utilisées par les deux curateurs sont carrément des pressages privés –, le résultat qu’ils fournissent ne scintille pas toujours du même lustre perfectionniste et cocaïné que celui d’un album de Steely Dan – et c’est évidemment ce qui fait tout le charme de cette sélection. On sent souvent que les chanteurs et instrumentistes se donnent du mal, qu’ils mettent vraiment tout ce qu’ils ont pour ressembler à leurs inspirations, et qu’ils savent bien qu’ils n’ont pas six mois de studio devant eux. On n’est pas non plus dans la soul lo-fi de Personal Space, mais c’est vrai que par moments on devine que les ambitions sont trop amples pour les capacités techniques à disposition, que la patine est déjà en train de se craqueler, que ça raye comme disait la pub pour Cif avec le patin à glace.

Malgré cette relative précarité, la musique qu’on entend sur Rock Your Soul reste avant tout une bande-son destinée à ceux qui vivent la vie dans toute son amplitude, aux aventuriers du cœur et des grands espaces – la notice de BBE indique que la Californie, dont viennent une bonne partie des artistes réunis ici, doit forcément y être pour beaucoup dans cet amour de la liberté et de l’élan vers un présent éternel. On croise aussi plusieurs Hawaïens, que l’on retrouvera d’ailleurs cinq ans plus tard sur une autre anthologie spécialement consacrée l’État américain du Pacifique, Aloha Got Soul.

C’est un quasi sans faute du début à la fin, mais si je devais choisir mes titres préférés, je citerai « Just For You » du 1619 Bad Ass Band, avec ses arrangements de cordes qui font des entrechats pas super ajustés mais néanmoins merveilleux (pour info l’album dont il est extrait vaut 950 balles sur Discogs), « Thought You Ought To Know » de Jesse McFall, chanteur qui commence en crooner groggy d’amour et qui termine en hurlant son désespoir et la déchéance de son intégrité (« I saw you with him »),  « Love One Another » de Mike Lundy, hymne aux lyrics hippie qui démarre direct par un refrain hyper jouasse, comme ça, sans intro, ça peut surprendre la première fois (le prix du LP original dont il est tiré saura lui aussi vous surprendre : 1130 euros), et enfin « Never Gonna Leave You », la dernière piste, signée Evans Pyramid alias André Evans, un des rares Noirs à figurer au tracklisting, et qui nous offre le morceau moins gai de l’anthologie, mais peut-être le plus beau : une chanson disco à pleurer, qui pour le dire très vite pourrait se situer à mi-chemin entre Bohannon et Arthur Russell. Evans a d’ailleurs depuis fait l’objet d’une anthologie réalisée par un autre excellent label de digging, Cultures of Soul.

C’est en tout cas un disque parfait, voire le disque parfait pour l’été qui arrive, et même s’il n’arrive pas tout de suite aujourd’hui à Paris, moi je m’en fous puisque je descends à Avignon danser le funk à bord de la Seat Ibiza de mon pote Lionel.

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