Outre le rhume que j’ai chopé hier en reportage à Maubeuge, il est une chose dont je souffre particulièrement : l’impossibilité de parler avec qui que ce soit de l’un de mes producteurs favoris, Kevin McCord. J’ai contacté San Soda, célèbre DJ berlino-belge qui a récemment participé à la réédition d’un hit de Carmen, Throw Down, produit en 1986 par Mr McCord. Malgré tous ses efforts, il n’a jamais réussi à approcher le musicien américain. J’ai alors tweeté le producteur Dâm Funk, qui devait le recevoir l’an dernier sur Red Bull Radio. Le podcast n’est pas disponible en streaming, et pour cause : l’émission a été annulée en raison d’un problème d’emploi du temps. Sur Facebook, le producteur ne s’exprime pas non plus. Il n’a d’ailleurs qu’une cinquantaine d’amis auxquels il proposait en 2012 de racheter certains pressages de ses disques les plus rares.
Il fut pourtant une époque où Kevin McCord se faisait largement entendre. Entre la fin des années 1970 et celle des années 1980, son nom apparait sur une soixantaine de macarons, dont la plupart sont de hits underground de boogie ou de disco, hélas négligés par le grand public. Bassiste et chanteur, le musicien de Detroit est surtout connu pour ses talents de producteur, particulièrement avec son premier groupe, One Way, emmené par le chanteur Al Hudson et influencé par le son soul et disco de Philadelphie. Il a également produit le hit planétaire « Get Down Saturday Night » d’Oliver Cheatham en 1983, samplé deux fois par Daft Punk, qui intégrera la bande originale du jeu vidéo GTA Vice City. L’autre très gros succès de Kevin McCord demeure « I Want To Thank You », interprété avec une ferveur mystique par Alicia Myers et arrangé très intelligemment par le producteur de Detroit. Les commentaires déposés sous la vidéo YouTube indiquent d’ailleurs que le morceau est un classique inévitable au sein de la communauté afro-américaine, lors des barbecues en famille.
Les morceaux qui sont, pour moi, les plus marquants, Kevin McCord les a cependant réservés à son propre label, Presents Records, dont les premiers disques sortent dès 1984. Aujourd’hui, on connaît surtout de ce label les quelques morceaux de la susnommée Carmen, dont « Time To Move » et « Throw Down », indéniables club bangers plébiscités par tout ce qu’il y a d’algorithmes sur YouTube et Spotify. Mais le reste du catalogue Presents est en réalité tout aussi impressionnant. La production, presque lo-fi à certains égards, à mi-chemin entre funk et electro, rapproche McCord du son caractéristique de Detroit initié par Cybotron à la même période. En 1986, McCord produit un sans-faute : « Senorita » de Marcus Lewis, un morceau qui, s’il avait été chanté par Michael Jackson, aurait surement fait oublier « Billy Jean ».
Kevin McCord sort également plusieurs albums et maxis sous son propre nom. Il évolue alors dans un registre soul, il se la joue un peu crooner mais réalise quelques exploits. Sur Presents Records, McCord sort par exemple le morceau « Forever ». Une voix – celle de la chanteuse Candye – qui répète que l’amour dure toujours est accompagnée par des claviers, mi-Rhodes, mi-synthétiseurs, pour offrir un morceau vraiment fragile et excitant. Il se dégage quelque chose d’étrange au cours de ces 3’25’’, je ne sais pas ce que vous en penserez en l’écoutant mais, moi, je n’ai jamais rien entendu de comparable.
Dans le même registre, je signale enfin ce morceau qui a donné son nom à un album de Kevin McCord, sorti en 1991. Il est assez addictif et surtout, j’ai l’impression que l’air de ses couplets a inspiré celui de « I’m A Slave 4 U » de Britney Spears, produit dix ans plus tard par the Neptunes. Pharrell Williams, nous attendons votre explication.
2 commentaires
Il a aussi fait un gros tube de philly sound pour Harold Melvin jcrois
Le never say n’a pas été samplé par quelqu’un ? le riff de piano au début me rappelle quelque chose mais impossible de m’en souvenir.