La semaine dernière, en manque de concerts, j’ai fouillé les évènements Facebook d’une époque magique où je voyais des concerts toutes les semaines – on se console comme on peut. Et je suis évidemment tombée plusieurs fois sur le nom de Scarlatine.
Scarlatine, c’est le projet de Morgane Adrien, avec sa harpe, son Casiotone et sa boîte à rythmes, les sourcils froncés, qui replace ses lunettes sur son nez en regardant ses notes, parfois accompagnée de Léa (qui joue aussi dans t-shirt) à la batterie. Comme je voudrais revoir ça.
En me penchant mieux sur les descriptions qui ont été faites de la musique de Scarlatine, j’ai été étonnée (mais pas choquée) de voir que la plupart employaient le lexique de la fragilité, de la légèreté timide, des termes presque enfantins. On s’est souvent demandé avec les copines de la musique si les termes joli, vaporeux, mignon, timide sont autant utilisés pour des projets masculins. J’ai très peu lu ça pour les amis Rouge Gorge ou Regis Turner par exemple, qui pourraient eux même être définis ainsi.
Bon, mais au-delà du coup de gueule lié au genre de l’auteure-compositrice-interprète-instrumentiste Scarlatine, je ne suis pas d’accord avec cette lecture. À l’époque j’avais proposé pour un évènement que j’organisais : « harpe bouclée, Casio chanté, des belles histoire d’ami.e.s, des textes qui font pleurer quand on est triste et rigoler quand on est heureux, à toi de voir. »
Scarlatine a sorti, en février 2020, un album nommé Mimosa chez Indian Redhead et Le Syndicat des Scorpions (famille unie), une cassette avec une pochette risographiée par Mona Chancogne, graphiste/risographe de talent et interprète captivante sur le second morceau de la face B : « Sedum Peireaki ». J’entends dans cet album une grande puissance, une immense détermination. Ses paroles pétries de mélancolie sont aussi pleines d’espoir et de rage. C’est la cassette de la gueule de bois d’après 2016, après les mouvements sociaux, les grandes fêtes joyeuses et effrayantes, les lendemains pas faciles, les ruptures qu’il faut accepter, les amitiés magiques. Bon, c’est vrai, il y a de la timidité, je suis de mauvaise foi je le sais, mais le terme exact pourrait plutôt être « intimité », il me semble.
Je dis juste que ça ne définit pas assez bien le projet de cette fan de Radio Hito et de reggaeton, DJ entraînante, présentatrice radio fine et assidue, bassiste charismatique dans Tôle Froide et Maraudeur, éditrice motivée chez Crochet Talon, Marécage et Nos Corps à Nous. Un vrai couteau suisse ligérien.
Et c’est tout ça que vous entendrez dans Mimosa, l’engagement et la peur de l’engagement (dans tous les sens du terme), la fête joyeuse et autodestructrice et des reprises de tubes tubisés, des boucles entêtantes et déterminées.
Dans cette période bien floue, dans cette hiver 2021, avec couvre-feu et ciel gris, cette cassette m’emplit encore plus de mélancolie. Depuis combien de temps n’avons nous pas rencontré de nouvelles personnes ? Depuis combien de temps n’avons nous pas embrassé nos familles de cœur partout éparpillées ? Je regarde et j’écoute cette cassette comme une carte postale qui rappelle les plus belles vacances de la vie, celles où on s’était fait plein de copain.e.s, où nous avons cru en quelque chose de plus grand que nous, où on a su pleurer, crier, courir en riant. Le mimosa qui refleurit. Tendresse et K-way.
Et puis le son s’arrête (après avoir remis 4 fois le morceau « t.e.x.t.o. »), j’ouvre la fenêtre et je me dis que ça vaut le coup de vivre tout ça quand même.
Merci Momo pour l’archive de mots.
La nuit, la nuit.