Tatsuhiko Asano a fait des OST de jeux vidéo qui peuvent s’écouter comme de sublimes disques de gratteux

Tatsuhiko Asano In the Wake of Doshin, the GIANT
Media Factory / Silent River Runs Deep, 2000 / 2022
Tatsuhiko Asano Genny Haniver
Digital Hardcore Recordings, 2001
Tatsuhiko Asano Spacewatch
Akichi Records, 2008
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Musique Journal -   Tatsuhiko Asano a fait des OST de jeux vidéo qui peuvent s’écouter comme de sublimes disques de gratteux
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Dans le courant des années 2010, j’ai commencé à m’intéresser aux BO de jeux vidéo. J’ai toujours joué, sporadiquement et intensément, dans des périodes particulières ; mais là, je me suis mis à m’avaler les bandes-son de trucs auxquels je n’avais pas forcément joué avec ardeur : le Sonic sur Megadrive, Super Mario Sunshine, les Donkey Kong Country, les Final Fantasy – et notamment le VII, évidemment… Que des choses assez simples et classiques au final, je n’étais pas encore super à jour sur la vibe Rollcage ou Ghost in the Shell, même si j’étais déjà pas mal familier de Streets of Rage. Mais bon, on ne peut pas être « alternos » sur tout et tout le temps.

C’est au détour d’une de ces crises aiguës et immodérées de téléchargement – me laissant avec, au hasard, l’album d’un barde orthodoxe éthiopien, de l’indus impénétrable et du Tony Williams – que ma compréhension de l’OST vidéoludique a fait sa révolution copernicienne. En effet, dans ce fatras d’items pêchés de manière un peu hasardeuse se trouvait aussi un album mystérieux, réalisé pour un jeu auquel je n’ai toujours pas joué jusqu’à aujourd’hui : In the wake of Doshin, the GIANT. Composé par Tatsuhiko Asano pour Doshin the Giant donc, « god game » un peu mignon de chez Nintendo assez bien accueilli à sa sortie en 1999 (sur les consoles N64 et Gamecube), cet album me semblait bien éloigné – il est possible que je me trompe – de ce qu’était la musique de jeu vidéo à l’époque : plein d’instruments rigolos et un amoncellement de percussions ; de l’électronique, des samples et des sons de synthèse qui ne sonnent pas du tout synthétiques ; et puis de la guitare, beaucoup, beaucoup de guitare. Et pourtant, cette hétérodoxie esthétique ne diminue en rien le pouvoir évocateur de ces matériaux ; je trouve même que cela l’amplifie. Je n’ai jamais joué à ce jeu, comme je l’ai déjà dit, mais à l’écoute de ces morceaux, je peux totalement m’imaginer en déité jaune gargantuesque et patapouf, modulant les reliefs d’une île paradisiaque pour mes sujets. C’est luxuriant et pop, simple et précis, parfois mystérieux, et pour le cliché, ça donne une idée de ce qu’aurait pu faire Animal Collective en habillant un film du Studio Ghibli.

J’ai pris conscience il y a peu que ce disque d’Asano est un vrai disque de guitare, se polarisant autour de morceaux aux riffs et thèmes harmoniquement très riches, à la fois très bossa et très japonais. J’avais déjà un peu la puce à l’oreille, parce qu’un pote bien féru de musiques à gratter, à qui je l’avais fait écouter, se l’était approprié direct, relevant une bonne partie des mélopées pour nous les jouer dès que possible lors des apéros ; et même sans orchestrations, cela marchait impec’ – « All Along The BARDO Island » est désormais inscrit dans mon patrimoine génétique. Il y a aussi des pistes bien plus « environnementales », plus pour l’ambiance, qui se rapprochent de l’habillage tradi typique du jeu vidéo et où s’agrègent des sifflements et des sons de cours d’eau, des lignes de métallophones et souvent plein d’éléments percussifs, qui s’assemblent parfois fugacement pour former de petites cellules musicales à la Pascal Comelade – « A life of People » ou « Preparation of the Festival », par exemple. Mais on sent que le cœur du projet, c’est la gratte, parfois pas mal modifiée, dont Tatsuhiko tire des mélodies toujours bien fines, ou qu’il utilise pour assoir des canevas rythmiques très simples. Pour autant, l’instrument n’est jamais ici sur-exposé, et se loge parmi plein d’autres (tous joués par Asano) ; le tout constitue une totalité très vivante et, j’ai l’impression, aussi ludique que le jeu.

En réécoutant cette belle œuvre il y a peu, je me suis demandé ce qu’Asano avait fait d’autres. Et bien pas énormément de choses, si ce n’est deux autres albums complétant l’OST de Doshin et constituant avec celui-ci un vrai triptyque : Genny Haniver, sorti en 2001, et Spacewatch, en 2008 – il a aussi fait quelques morceaux un peu éparpillés pour des compiles, la BO d’un film et un projet de livre/disque. Il y a une vraie cohérence compositionnelle dans ces trois disques ; déjà parce que le monsieur fait la majorité de ses affaires tout seul. Pour moi, ça sent le gars qui creuse son sillon à la maison, peinard, un peu obsessionnel, taiseux, façon « producteur de chambre ». Cette manière de mettre en œuvre une musique affectée et formelle avec un instrumentarium un peu homogène, ça me plaît bien ; les émotions, très fines et souvent furtives, alternent parfois très vite – joie, amertume, regret, tristesse, exaltation, nostalgie. Sur Genny Haniver, la vibe jazz-rock et exotica me semble pas mal rehaussée, le gars se la donne parfois niveau guitare, mais sans jamais y aller trop dans l’astiquage : juste un riff un peu modal, comme ça, en passant, ou une petite progression harmonique qu’on ne reverra jamais. Il y a aussi des résonances satisfaisantes : « Bonjour », sur le deuxième opus, aurait pu avoir sa place sur In the wake of Doshin, the GIANT ; on y sent une certaine évolution dans l’artisanat, la volonté de raffinement d’une orfèvrerie personnelle, pas forcément révolutionnaire, mais réalisée fièrement.

Spacewatch est peut-être le plus resserré des trois, le plus franc et abouti, en un sens ; les idées y sont fouillées au maximum, polies. On retrouve encore une fois les mêmes façons d’appréhender ce qui fait une chanson pop avec juste ce qu’il faut d’expérimentation, mais d’une manière peut-être plus spectrale. On relève parfois un feeling Jim O’Rourke, notamment période Eureka, que je trouve vraiment classe. La grosse différence aussi, c’est que sur ce dernier album, Tatsuhiko joue avec un batteur, et j’ai vraiment l’impression de ressentir l’influence du « en direct » sur le son et le jeu de la guitare, qui se fait bien plus ample. En fait, il a juste continué son processus, inlassablement, en prenant son temps – enfin pas tant que ça, il a mis moins de 10 ans pour faire 3 albums, ça va –, ce qui aboutit d’ailleurs aujourd’hui à une forme plus live, si j’en crois son site.

Sinon, en diggant un peu j’ai trouvé que Tatsuhiko Asano avait réarrangé, en 1996, un morceau du jeu Tekken 2 (il y a toute une compile complètement improbable d’ailleurs, ça vaut le détour). La boucle, elle est bien bouclée niveau jeux vidéo, là ; et niveau ouverture, je trouve que ça claque quand même pas mal.

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