Insituable et irrésistible : c’est le nouvel EP de Bamao Yendé & Le Diouck

BAMAO YENDÉ & LE DIOUCK 55 Degrees
Boukan Records, 2020
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Musique Journal -   Insituable et irrésistible : c’est le nouvel EP de Bamao Yendé & Le Diouck
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Je n’ai pas de nom qui me vienne à l’esprit en particulier, mais ces dernières années j’ai remarqué que la plupart des jeunes artistes francophones faisaient des compromis dès le début de leur carrière, même lorsqu’ils ne sont pas en major. Ça vaut dans le rap et dans la pop dite indépendante, et en soi ce n’est pas même grave, d’ailleurs, je ne m’en plains pas plus que ça, mais disons que la grande majorité des musiciens « émergents » arrivent direct en cherchant à être lisibles, à se faire identifier dans un certain style, par un certain public. Leurs textes développent des thèmes qui parlent à peu près à tout le monde et leur musique, même lorsqu’elle se veut sophistiquée, suit un ordre déjà connu du plus grand nombre. En gros, je ne sais pas si c’est une nouvelle sensibilité ou juste un besoin irrépressible de percer dès le premier track mis en ligne, mais le plus souvent il n’y a rien de très obscur, rien de très codé chez ces jeunes gens et jeunes femmes. Or c’est un peu le contraire de ce que j’attends d’un artiste dont j’ai deux fois l’âge : si je comprends tout de suite ce qu’il dit, que je saisis instantanément son projet esthétique, pour moi c’est mauvais signe, il réduit presque à zéro ses chances de me fasciner, ou même de m’intéresser. Mais bon, ça n’engage que moi, et puis heureusement il y a des exceptions.

L’une des premières exceptions que j’aie en tête, c’est la Fédération du Boukan, un crew regroupant des gens de Paris et de Cergy, et qui tourne autour du producteur et DJ Bamao Yendé. Cela fait quelques années maintenant que celui-ci joue un peu partout en France et en Europe, il a aussi une résidence sur Rinse, dans laquelle il joue plein de choses géniales, notamment du 2-step, ça fait plaisir. On sait aussi qu’il a un groupe, avec ses amis Le Diouck et Boy Fall, qui s’appelle Nyoko Bokbae. Pour le coup, ce qui est vraiment excitant chez les artistes de Boukan Records, c’est qu’on ne comprend pas tout de suite ce qu’ils essaient de faire. On devine des influences parfois commerciales, parfois plus confidentielles, mais qui ne s’affichent pas trop non plus trop officiellement. Ce n’est pas juste un mélange de UK garage, de rap et d’afrobeats : le tout n’est pas la somme de ses parties, comme on dit. Il y aussi tout un truc autour des voix, qui rappent ou chantent des paroles en français, anglais ou (corrigez-moi si je me trompe) wolof : le mélange des références est là aussi assez mystérieux, on sent qu’il y a un truc qui se passe, un peu secret, que ces mecs ont leur truc à eux, avant de penser à la façon dont ce sera perçu.

Sur ce nouvel EP accompagné d’un clip – pour le morceau « Tommy Shelby », hommage au charismatique héros de Peaky Blinders –, on voit Bamao et Le Diouck passer entre autres par le dancehall, le UKG, le R&B à la Timbaland première époque, la trap aussi. La voix de lover blessé de Le Diouck est incroyable, le résultat pourrait sonner comme un projet beatmaker/rappeur, sauf que c’est pas tout à fait du rap (même si ça en est un peu, parfois) et que Bamao prend aussi le micro. Le single clippé est mortel avec son beat UKG angoissé, mais mon morceau préféré est « Glady’s Knight », où Le Diouck sort des textes virtuoses, notamment dans l’outro parlée, très belle et très poétique. De toute façon, c’est l’ensemble qu’il faut écouter : en alignant les six titres, on s’aperçoit de tout ce que ce Boukan peut faire, c’est-à-dire manier plein de registres différents sans y être jamais soumis et toujours garder un charisme hyper fort, une identité proprement fascinante. Je sais qu’on pourrait écrire ce genre de phrase en argument de vente de plein d’autres artistes mais dans leur cas, c’est vrai, vous pouvez vérifier.

J’ai par ailleurs eu la chance d’écouter deux autres morceaux fantastiques de l’équipe, un de Nyoko, un de Bamao avec Le Diouck, qui seront en juin prochain sur une compilation qui s’annonce dévastatrice. On en reparlera peut-être ici ou ailleurs le temps venu. D’ici là passez un bon weekend chez vous.

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