(la forme d’une ville / Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel)

Notre-Dame, Paris, Baudelaire, Nerval, Can, Carmine, Palace Brothers
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Après l’incendie d’hier soir, je vais poster deux poèmes qui parlent de Paris et de Notre-Dame, et trois chansons que j’écoutais beaucoup à l’époque où je découvrais ma ville et dont les textes résonnent, pour moi en tout cas, avec ce qui s’est passé. J’ai compris que ce serait très compliqué d’appréhender la réalité de cet effondrement quand j’ai reçu un message d’un copain japonais qui a longtemps vécu à Paris. Je crois qu’il devait voir la cathédrale comme un édifice encore plus fascinant que nous le voyions, nous qui y étions plus ou moins habitués. Il m’a juste envoyé une vidéo amateur de la flèche en train de s’écrouler en me demandant si les images étaient vraies ou fausses – et franchement ça m’a brisé le cœur, comme si pour lui cette création était tellement hors du commun qu’elle ne pouvait pas être en train de subir ce qu’il la voyait subir.

Gérard de Nerval – « Notre-Dame de Paris » – 1853 

C’est Julien Bécourt qui hier soir a posté ce poème de Gérard de Nerval. Il est ici lu par Pierre Brasseur, enregistré en 1950 lors d’un récital autour des poètes maudits d’hier et d’aujourd’hui, donné à la salle Gaveau. Pinault peut bien filer 100 millions d’euros pour rebâtir le toit, ça ne vaudra jamais le retour d’entre les morts prophétisé par Nerval : « Alors ils croiront voir la vieille basilique/Toute ainsi qu’elle était, puissante et magnifique/Se lever devant eux comme l’ombre d’un mort ».

Charles Baudelaire – « Le Cygne » (I) –  1857

Le nom du lecteur n’est pas crédité mais c’est la version que j’ai préférée de toutes celles postées sur YouTube : si vous ne connaissez pas ce poème des Fleurs du Mal, je pourrais bien vous dire qu’il évoque l’expérience du choc de la modernité vécue par Baudelaire alors qu’il errait dans Paris en plein chantier haussmannien, mais bon, je vous invite surtout à l’écouter et/ou le lire, à l’aune de l’écroulement du plus fameux monument ancien de la capitale.

Carmine – « Fragmented Days » – Karina Square, 1993

Quand je pense au mot collapse, j’ai toujours le refrain de ce morceau de Carmine qui me revient en tête, un morceau qui ouvre leur premier album Visual, sorti en 1993. Carmine était un trio parisien très influencé par Can, dont ils reprennent d’ailleurs sur Visual un titre tiré de Monster Movie, je vais y revenir tout de suite, mais je précise avant cela que le batteur du groupe était Théo Jarrier, qui est aujourd’hui l’un des deux tenanciers du Souffle Continu, ce super magasin de disques du 11e arrondissement. Et je me rends compte aussi que Visual me rappelle des tas de trucs très précis mais sans intérêt pour vous.

Can – « Mary, Mary So Contrary » – Spoon, 1969

C’est donc cette chanson, issue d’un des tout premiers disques de Can, dont Carmine avait intégré une reprise sur Visual. Les paroles sont une libre adaptation d’une berceuse anglaise que certains chercheurs décrivent comme une allégorie du catholicisme. De toute façon, Malcolm Mooney, le premier chanteur du groupe allemand, semble ici en faire tout autre chose. En découvrant ce titre, à l’époque, j’avais en tout cas beaucoup aimé comment la tristesse de la ligne de chant était soutenue par le groove implacable de la section rythmique – c’est un morceau qui accompagne très bien la marche en ville.

Palace Brothers – « There is No One That Will Take Care of You » – Drag City, 1993

Quand j’ai vu la flèche tomber hier soir, j’ai ressenti brutalement et exactement ce que dit le titre de cette chanson de Palace Brothers que j’écoutais beaucoup à l’époque de sa sortie : personne ne prendra soin de toi. Personne ne prendra soin, en l’occurrence, de nous les habitants de Paris, et j’ai éprouvé un truc inattendu en prenant conscience que la cathédrale, à sa façon, nous protégeait. Je sais que ce sont des idées très élémentaires de l’architecture, ce genre de constructions est censé pouvoir veiller sur les hommes, mais là, j’ai eu cette sensation en creux en observant la catastrophe, puisque ce qui justement nous protégeait s’est soudain mis à brûler. Ce morceau d’une majesté plombée, défunte, vient du premier album du projet de Will Oldham, avant qu’il ne le rebaptise juste Palace.

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