Il a passé douze années au côté d’Arnaud Michniak, sans doute un des paroliers les plus bouillants et singuliers des années 2000 en France, dans Programme, groupe dont il était l’architecte sonore sur quatre disques (Génération finale et Mon cerveau dans ma bouche en 2001, L’enfer tiède en 2002, Agent réel en 2010). Damien Bétous, forcément dans l’ombre de son comparse à forte personnalité, a ré-émergé de l’océan de sons, il y a déjà deux ans, pour un EP comptant neuf instrumentaux qui inventent leur propre narration, comme sur des rails. Les paysages défilent, ni ambient, ni dance, linéaires, moins sujets aux changements d’humeur que les plages produites pour son ancien duo. Ici, le travail sur les samples se montre plus discret qu’avant, au profit d’une mise en valeur de phrases plus mélodiques au piano et de rythmiques qui filent droit, souvent au son de batterie naturel, « rock », bien que sans doute manipulée et reconstruite. Le tout dégage une certaine mélancolie qui colore l’ensemble d’un je ne sais quoi cinématographique – des paysages sous la pluie, des nuits qui tombent, des silhouettes qui se déplacent dans la brume.
Il peut parfois être gênant de suivre des musiciens tout juste sortis de ce qui restera comme l’œuvre de leur vie. Les paramètres qui en ont fait les mesures hors du commun (et je n’insisterai plus sur la folle aventure de Programme, je le fais partout où je peux, comme une croisade) ne sont plus réunis, et leur ont échappé irrémédiablement : urgence, jeunesse, amitiés, alchimies personnelles à propos de la musique et des mots… Et ils ne seront plus jamais réunis, le temps ayant fait son travail, et ça Damien Bétous n’y peut rien, il le sait. Sur cet EP, il ne cherche pas à rattraper le temps perdu, pas de nostalgie, pas de clin d’oeil appuyé, sauf, comme un regret, sur la plage « Incendie », qui appellerait bien la présence de l’absent et qui lui laisse de l’espace pour venir poser ou se poser. Bétous n’a pas cherché de voix, ni la sienne, ni celle d’un remplaçant, mais il est sans doute à la recherche de sa voie. Tranquillement, dans l’anonymat de Bandcamp, sans la ramener, en silence. Presque. Et tant mieux pour nous.