L’EBM à la mexicaine n’est pas du tout caliente

INTERFACE Automata
EMI Capitol De Mexico, S.A. De C.V., 1987
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Je ne sais pas à quoi ressemblaient les transports en commun à Mexico City en 1987, mais s’ils étaient aussi bondés et grouillants qu’aujourd’hui (au point qu’on y a l’impression d’être écrasé par tout le Mexique en même temps, touristes américains de Tulum compris), alors peut-être peut-on expliquer par ce biais souterrain la naissance du premier album d’Interface, Automata. Et si ce duo composé de Roxana Florès et Samir Manaceri (qui a cru bon porter presque le même patronyme que celui de notre Samy Naceri national) m’a giflé les oreilles, ce n’est pas parce que j’ai eu l’impression de vivre, avant que je n’exile au Mexique, une renaissance EBM dans la capitale française, avec toutes ces soirées estampillées ‘’EBM’’ ou ce festival stéphanois, Positive Education, qui a contribué à remettre ce style sur le tapis (dont la dernière édition était géniale, paraît-il, je n’y étais pas mais je vous crois et je pense à votre redescente en buvant du mezcal dans un rade miteux du sud de Mexico). Non, ce groupe m’a giflé les oreilles parce qu’il est avant tout d’une puissance inouïe. Dès les premières notes, on se prend toute la mégapole dans la gueule, option carrosserie. Je ne sais pas d’où viennent les bizarreries de leurs sons électroniques ni la construction de leurs mélodies, entre excentricité et décadence, mais les esprits tortueux qui les ont conçues ont sans nul doute traîné dans les coins les plus famés de la ciudad.

L’ouverture de l’album, ‘’Artificial Trauma’’, charrie toute la tension accablante de la vie dans les grandes villes. Puis « La Maquina Del Tiempo’’ progresse lentement mais sûrement de l’innocence à la corruption : un beat qui d’abord groove presque, pense-t-on, avant qu’il ne nous explose au visage, nous rappelant qu’on ne risque pas de survivre bien longtemps dans une civilisation qui, à la fin des années 80, a déjà commencé à montrer sa stupidité et ses excès. C’est également ici que réside toute la force d’Interface : le duo s’approprie le son indus/EBM originaire d’Allemagne, de Belgique ou d’Angleterre pour le fondre dans le paysage rock local – ou, plutôt, pour déporter une partie du rock local vers la sphère électronique industrielle, annonçant la naissance, dans les années 90, de formations comme Artefakto, Deus Ex Machina, Ford Proco ou Hocico qui mettront un grand coup de pied dans une fourmilière synth-pop mexicaine toute belle toute propre, et exploreront manches retroussées les ténèbres et la crasse.

Interface est bel et bien précurseur de ce son-là dans son pays – même s’il faut aussi mentionner Syntoma, présent dès 1983, mais dans un registre plus vocal et moins vénère – et Automata (suivront Dictadura en 1989 et Extinción en 1991) prépare le terrain à une scène indus-EBM bourgeonnante, avant que la techno n’arrive elle aussi sur le territoire. Nous voici donc face à un album « frontalier » parcouru intégralement de sons électroniques et qui ne se prive pas, par ailleurs, d’agrémenter son œuvre de respirations aériennes (« Tecnofobia ») ou de tenter une incursion dans le dark-ambient macabre (« El Fantasma De La Operadora »). Album frontalier qui n’abandonne pas encore totalement son héritage disco et synth-pop (il suffit de s’attarder une demi-seconde sur les mélodies pour comprendre d’où vient le groupe), mais qui ouvre largement la brèche d’une musique plus dure, où les démons de ferraille peuvent se déployer.

Ce qu’il faut relever, en tout cas, c’est qu’en 1994, soit trois années après la fin du duo, l’ALENA entrait en vigueur, enfonçant encore un peu plus le Mexique dans sa dépendance commerciale aux produits industriels nord-américains – musique comprise. Le groupe Interface ne pouvait donc mieux mieux porter son nom, lui dont cet album, puis les deux suivants, ont joué le rôle de frontière, ou de brèche à bon nombre de jeunes musiciens mexicains.

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