Petit rappel au cas où : le lovers rock n’a vraiment rien à voir avec le rock

KOFI Wishing Well
Ariwa, 1992
KOFI Black… With Sugar
Ariwa, 1989
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Musique Journal -   Petit rappel au cas où : le lovers rock n’a vraiment rien à voir avec le rock
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Je vous recommande aujourd’hui deux albums qui m’ont eux-mêmes été recommandés par Fabien Pianta, alias Feadz. Tout a commencé lorsqu’il m’a raconté l’autre jour qu’il avait été voir Mad Professor en concert. Je lui ai répondu, avec la transparence qui me caractérise, que je connaissais à peine la musique de ce producteur, à part son album avec Massive Attack. L’altruiste et pédagogue sorcier des platines m’a alors enjoint à écouter ce que le producteur avait fait pour la chanteuse Kofi, et le soir-même je m’y mettais. Une heure plus tard, je me considérais comme vraiment pas déçu du tout, et depuis j’écoute ses deux premiers albums en boucle.

Kofi est britannique et c’est l’une des pionnières du style lovers rock, au sens tant historique que littéral : c’est sur le label « Lover’s Rock », fondé entre autres par Denis Bovell, et qui donnera son nom au genre, qu’est sorti le premier disque du groupe dans lequel elle a démarré, Brown Sugar, avec une chanson extrêmement cute qui s’appelait « I’m In Love With A Dreadlocks », qui est une sorte de pendant jamaïcain de « My Boyfriend is A Communist » de Miss Kimberly (une prod de Bobby Orlando, qui lui en revanche n’est pas du tout le Mad Professor de la Hi-NRG). Elle a ensuite vécu une longue et riche carrière, et ces deux albums réalisés par Mad Professor sont ce qu’on peut appeler des petits chefs-d’œuvre. « Petits », pas au sens modestes ou moins dingues qu’un autre truc plus ambitieux, plutôt petits au sens faciles à écouter, à emporter, maniables et fiables. Ce sont de véritables compagnons en fait, des êtres qui ne vous déçoivent pas, avec un alliage de bonhomie et de finesse qu’on rencontre rarement dans la musique et dans la vie.

Tous les ingrédients du bon lovers rock sont réunis : les paroles fleur bleue, les claviers rêveurs, l’élan juvénile dans la voix avec possibilité de cœur brisé, le son plutôt droit mais qui mixe quand même trois idiomes pas forcément simples à fondre les uns aux autres (reggae digital, soul/R&B 80s, pop d’inspiration girls group sixties). Il y a aussi chez Kofi un vrai talent à « prendre » les mélodies à des endroits pas évidents, elle construit des lignes de chant vraiment étonnantes mais toujours très fluides, c’est toujours génial d’entendre quelqu’un faire d’aussi belles choses avec sa voix tout en ayant l’air de se faire plaisir, de rester naturelle. La prod de Mad Professor est tellement juste, tellement « on point » qu’elle peut parfois donner des orgasmes auditifs, dans sa façon d’ajuster quelques effets dub ici et là et plus généralement de placer les drums. Il est dingue ce mec, il me tue. Sur le LP de 1992, Wishing Well, il peut pas s’empêcher de caler à la fin quelques dubs des chansons qui précèdent et celui du morceau-titre est un parfait exemple de paradis sensuel, c’est vraiment le dub ultra fripon, pas du tout les spectres flippants de Lee Perry mais plutôt des espèces de petits fantômes coquins se faufilent un peu partout derrière le thème, c’est assez drôle. Le disque de 89, Black… With Sugar est peut-être un tout petit peu moins merveilleux dans l’ensemble (bien qu’il se rattrape par sa pochette très « blague de graphiste ») mais il contient un morceau exceptionnel, limite baléarique, un ruisseau de volupté synthétique qui s’appelle « There Must Be », dont je me suis « rewindé » l’intro 30 fois quand je l’ai découvert.

On me suggérait l’autre jour de parler de Sade et je le ferai bientôt j’espère, mais en attendant, je voulais juste rappeler aujourd’hui à quel point le lovers rock et la UK soul sont les deux versants d’une même montagne. Kofi, de son vrai nom Carol Simms, avait d’ailleurs chanté dans Brown Sugar aux côtés de Caron Wheeler, qu’elle retrouverait plus tard – à peu près dans les mêmes années que les deux disques présentés ici – dans Soul II Soul. Et quand j’écoute certains titres, comme « Big John », « Do You Really Want Me » ou « All In The Game » ou « Harbour Shark » (où la performance soudain belliqueuse de Kofi me cloue sur place), je ne sais plus tellement s’il s’agit de reggae, de rythm’n’blues quiet storm, d’une prod downtempo de Larry Heard ou de ce qui deviendra le trip-hop. C’est en tout cas une musique qui me met dans un état second mais pas du tout psychédélique, et qui est avant tout une déclaration d’amour à la musique et au chant eux-mêmes, fabriqués par une interprète de premier ordre et un producteur dont la science dub se met magistralement au service d’un projet accessible et vertueux, que je me passe et se repasse sans arrêt, sans jamais trop s’en lasser – en tout cas pour le moment.

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