Mon Insta préféré, c’est Time Is Away

ELIZABETH GROSZ "Vaguement"/"Assez folle" [UNE DÉCOUVERTE DE TIME IS AWAY]
CBS, 1991
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Musique Journal -   Mon Insta préféré, c’est Time Is Away
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C’est Hervé Loncan (comme d’habitude d’excellent conseil) qui m’a parlé il y a un an environ du duo Time Is Away et plus précisément de leur compte Instagram. Un compte où il peut être question de leur émission sur NTS et de leurs dates en Angleterre ou ailleurs (ils ont déjà joué en France et sont copains avec Bruits de la Passion), mais où ils postent surtout des disques souvent rares (mais pas forcément, ce que je trouve cool) et toujours très beaux. Plus qu’un simple duo, Time Is Away est carrément un couple de Londoniens, prénommés Elaine et Jack, qui sont donc de remarquables diggers aux goûts passionnants et sincères, jamais trop suspects de snobisme. Ce que j’aime tout particulièrement, c’est que les morceaux postés sont accompagnés de textes hyper intéressants, signés par Jack. En général chaque trouvaille est écoutable en quatre extraits d’une minute : le plus souvent ça suffit à se faire une idée du truc, et ça laisse le temps de lire la notule.

Le spectre esthétique est large, en vrac il y a pas mal de Jamaïque, pas mal de folk, pas mal d’ethno/trad, du jazz européen, beaucoup d’électronique, dansante ou pas, et puis aussi quelques tubes 80/90 qui en fait n’ont jamais été des tubes. Et c’est dans ce petit coin que j’ai trouvé des merveilles de pop française dont je n’avais jamais entendu parler ! Et donc, en plus de ça, les morceaux et leurs détails sont vraiment bien décrits, ça fait du bien, en tout cas ça me fait du bien à moi qui aime tant lire des choses précises et senties sur la musique que j’aime, surtout quand il s’agit d’artefacts incrustés aussi profondément dans la croûte du passé récent. En tombant sur l’un de ces hits en puissance, à savoir le Club Mix de « Assez Folle » par Elizabeth Grosz, j’ai rigolé tout seul en imaginant ces deux sympathiques Anglais écouter cette chanteuse en train de susurrer et de surjouer les paroles SM-soft, sans forcément bien comprendre de quoi il s’agit, même si dans son texte Jack qualifie le chant de « breathy » et « kooky ». Ce qui m’a fait rire encore un peu plus, c’est que le style olé olé d’Elizabeth Grosz m’a forcément fait penser à celui de Guesch Patti, et que bingo, c’est Vincent Bruley, auteur et producteur de « Etienne », qui a bossé sur le titre en question. Mais mieux encore : le Club Mix dont parle Jack est lui, carrément, l’œuvre de Dimitri From Paris, qui à l’époque ne s’appelait pas encore comme ça mais qui faisait déjà, comme chacun sait, des tonnes de remixes de productions pop pour le compte des majors. La discographie du plus grec des DJ de la French Touch est décidément inépuisable.

Pour le plaisir, je vous propose maintenant une traduction personnelle du texte qui accompagnait en octobre dernier ce fameux post sur Elizabeth Grosz.

« Encore de la pop française du début des années 90, passée légèrement sous les radars. J’ai chopé ce disque juste avant d’aller jouer en France, mais il a pris tout son sens lors de notre périple et en particulier lors du festival [Zone Disco Autonome, ndt]. Au départ j’avais plutôt accroché sur la face B, « Vaguement », une ballade rêveuse et singulière, soutenue par des roulements de boîte à rythmes lovers rock et une ligne de basse un petit peu épineuse, le tout flottant au point d’équilibre parfait entre Sade et les Disques du Crépuscule [Jack a écrit dans son post « Disques DE Crépuscule », respectant ainsi la grande tradition des Anglophones qui n’arrivent JAMAIS à orthographier correctement la langue française, même les rédacteurs control freak de Wire ou du New Yorker, les exemples sont innombrables et c’est un scandale, ndt]. Mais à la fin du fantastique set de Jita Sensation à ZDA (merci Aymard & Gyeongsu @antonin_gyeongsu), sous un soleil magnifique, a donc surgi le Club Mix de la face A, « Assez Folle », qui écouté à la maison m’avait semblé un peu trop 90s, dans le mauvais sens du terme – je songe aux différents suiveurs de Soul II Soul signés en major, ou encore au terrifiant Jeremy Healy balançant « Mama Said Knock You Out » à un parterre de top-models au Ministry of Sound. Mais alors que j’identifiais le sample de « For The Love of Money » des O’Jays [morceau un peu connu à l’époque à Paris puisque il avait été adapté en indicatif par Nova, ndt], qui sert d’ailleurs ici plus d’ornement que de motif, j’ai commencé à percevoir les choses différemment. Dans l’état gentiment altéré où je me trouvais, la double reconnaissance du sample et du morceau m’a fait vivre un beau moment de reconsidération ce que j’avais d’abord pensé du titre. Certes, il n’est pas impeccable : les vocaux fraient un peu loin dans les terres de l’excentricité forcée, Elizabeth susurre trop, sans compter que les éléments funky sont too much pour moi – qui reprendra du saxo qui descend bien profond dans les graves ? Et pourtant, je me suis retrouvé à vivre ce type d’expérience transformatrice où les parties d’un morceau que l’on aurait au départ voulu retirer deviennent précisément les choses qui lui donnent tout son charme. Et sinon, notez que le Club Mix auquel je me réfère ici ne figure pas sur le 45-tours pas cher, mais seulement sur le maxi [qui est proposé sur Discogs à partir de 25 euros, ce qui reste raisonnable, ndt] »

L’album complet sorti par Elizabeth Grosz est dispo sur YouTube, mais bon il globalement est un peu nul, même si ça vaut le coup de l’écouter ne serait-ce qu’à titre documentaire, comme j’ai l’habitude de dire pour agacer mes amis. Si n’avez pas quarante minutes devant vous, contentez-vous plutôt du clip de « L’envers de l’endroit », avec sa scénographie tout en drapés et ses paroles énigmatiques.

Voilà, je vous invite en tout cas très chaleureusement à vous abonner au compte de Time Is Away et à écouter leurs podcasts sur NTS, vous ne serez pas déçus, c’est vraiment un petit paradis de découvertes et de bon esprit. Merci, Jack, merci Elaine ! Both of you take care 🙂

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