À la rencontre de divers aspects de la musique contemporaine, vol. 2

THOMAS DOLBY "Budapest By Blimp"
EMI, 1988
THE KANE GANG "Crease In His Hat"
Kitchenware, 1985
T-BOZ "Wanna Take You Back"
Def Jam, 2000
MOOSE "Uptown Invisible"
PIAS, 1993
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Voici le deuxième volet de notre rubrique des « trucs cools en vrac », format inspiré d’un interminable topic du forum Institubes au début des années 00. La différence, c’est qu’au lieu de parler de nouveautés rap ou techno, j’y aborde des vieux morceaux un peu dans tous les genres. Des morceaux que j’adore, mais en général isolés sur un album que j’aime moins, et qui respectent la ligne éditoriale de Musique Journal puisqu’ils sont en général méconnus voire quasi inconnus.

Aujourd’hui au programme, ce seront d’abord deux titres liés à Prefab Sprout : une crypto-reprise de « Desire As » interprétée par leur producteur, suivi d’un petit hit bucolique-chic par une formation signée sur le même label qu’eux. Puis on va passer à un morceau peu connu perdu sur une compile de thug rap qui pourrait servir de définition au R&B d’avant-garde du tournant du millénium. Et enfin un classique indie 90s certifié Bernard Lenoir, qui me semble être devenu mineur depuis, que je n’avais plus entendu depuis sa sortie il y a vingt-sept ans et qui m’a fait un effet de pure nostalgie, tout en sonnant très différent de mon souvenir.

En tant que fan de Prefab Sprout j’ai souvent essayé d’écouter les travaux solo de Thomas Dolby, producteur de leurs trois meilleurs albums. Hélas j’ai presque toujours été déçu : son esthétique d’artiste en solo me parle peu, son mélange de synth-pop et de crooning rétro ne fonctionne pas sur moi, même si le son est parfait et l’ambition réelle. Peut-être qu’il manque de charisme ou qu’il est trop scolaire, mais en tout cas pour moi son génie s’éteint lorsqu’il sort de sa cabine pour passer derrière le micro. Mais il y a donc ce morceau que je vous recommande aujourd’hui, « Budapest By Blimp », qui sort totalement du lot, pour des raisons qui doivent le désoler, puisqu’il sonne en partie comme l’un des plus bouleversants morceaux de Prefab Sprout : « Desire As ». Dolby y paraît moins crispé que dans le reste de son œuvre et réussit à entretenir la même basse tension qu’il avait insufflée à pas mal de plages de Steve McQueen ou Jordan: The Comeback. Basse slappée, nappes vaporeuses, licks de guitare olé-olé : le climat est par ailleurs caractéristique de la fin 80s, et Thomas ajoute aussi des vocaux déformés aux côtés de sa propre voix. Je suis particulièrement fan des ponctuations de piano. Je le réécoute encore une fois en écrivant et franchement, quel morceau ! J’espère que vous apprécierez.

Le groupe Kane Gang partageait son manager avec Prefab, Paul Ludford, par ailleurs cofondateur du label Kitchenware, et je les citais l’autre jour en parlant de In Embrace. Dans l’ensemble, je trouve que leur musique a très mal vieilli, il y a souvent ce feeling infernal que peut avoir la mauvaise sophistipop, qui donne l’impression de passer un dimanche après-midi à regarder des connards jouer au billard dans un quartier rupin de Londres. Mais il y a quelques beaux moments malgré tout, comme sur « Crease In The Hat », où les deux chanteurs (Martin Brammer et Paul Woods) s’entendent vraiment bien et où l’enchevêtrement des éléments – saxo, guitare sèche, percussions légèrement exotiques – parvient à m’emballer sérieusement – je pense que ça pourra plaire, dans la même veine « urban bucolique », aux fans de « Long Hot Summer » de Style Council, mais sans doute suis-je influencé par son clip. C’est une chanson où chaque nouveau mouvement est une nouvelle promesse de bonheur, tout simplement. Ça ne décolle pas vraiment, mais le jeu avec le désir et sa satisfaction s’installe avec élégance et douceur. Allez aussi écouter « How Much Longer », un bon petit boogie blanc avec une intro super, malgré un refrain plus balourd.

En 2000, les fans de rap ricain s’en souviennent, DJ Clue était vraiment le roi des DJ à New York, à l’époque résident sur Hot 97. Je ne suis pas spécialiste de l’histoire des mixtapes et je n’affirmerai donc pas que c’est lui qui a inventé le name tag de DJ, mais perso, c’est la première fois que j’entendais un mec hurler son nom aussi souvent et avec autant d’echo sur ses mixtapes. Celle qui nous intéresse ici s’appelle Backstage Mixtape et il s’agissait de la B.O. d’un docu sur une tournée réunissant entre autres Jay-Z, DMX ou Redman – sortie chez Rocafella alors en plein état de grâce. L’ensemble du tracklisting réunit la crème du rap de voyou, essentiellement new-yorkais, de cette période – avec des prods entre jiggy et « âge de platine » – et on y entend notamment la première apparition de Juelz Santana, âgé de 18 ans (auprès de Cam’Ron, logiquement). Il y a aussi « Funkanella », un inédit dingo d’Outkast période Stankonia (album que je n’ai jamais très bien compris mais j’y reviendrai un autre jour) avec leur ami Killer Mike, aujourd’hui dans Run The Jewels avec El-P mais déjà très à l’aise sur des beats belliqueux. Mais le vrai truc à part sur cette tape, c’est l’apparition d’une des trois membres de TLC, T-Boz, sur un titre produit par deux beatmakers R&B, Brycyn Evans et Troy Johnson. C’est un morceau où la chanteuse se mesure à une rythmique totalement indomptable, sur laquelle sa voix semble exécuter des figures, des contorsions vocales, telle une skateuse ou une championne de BMX. Elle tient la mélodie à elle toute seule, puisque derrière ce ne sont que soubresauts, spasmes et crise de panique : le contraste entre son style plutôt sucré et le reste est génial, j’adore notamment le moment où elle dit « again again again agaaaiinn ». En revanche, je n’ai pas trouvé de version sans Clue qui crie son blaze par dessus, désolé, mais en contrepartie on peut regarder défiler sur YouTube un diaporama de photos de la jeune femme et constater qu’au-delà de sa frange asymétrique très millenium, elle est d’une beauté singulière, qui pour le coup, contrairement aux disques de Kane Gang, vieillit assez bien. Je me faisais remarquer qu’elle avait des traits asiatiques, mais c’est qu’elle a des origines amérindiennes, selon sa fiche Wiki. Et par ailleurs, elle avait signé en 1996 un single appelé « Touch Myself », qui s’inscrivait dans la grande tradition des chansons de rappeuses et chanteuses R&B sur la masturbation – on notera que c’est une tradition beaucoup moins présente, sinon carrément absente chez leurs homologues masculins, puisque à ma connaissance le seul rappeur à avoir abordé le sujet est un Français, à savoir Doc Gynéco avec le classique « Vanessa », mais si vous avez d’autres exemples à donner allez-y donc.

On termine avec un groupe qui dans mes souvenirs synthétise à la perfection le son de l’indie britannique de l’époque où je le découvrais, c’est-à-dire 1992, 1993. Il me semble que « Uptown Invisible » de Moose était matraqué par Lenoir (voire que c’était le générique de l’émission à un moment ?) et ce quatuor londonien représentait pour moi une pop-rock savante, élégante quoique dépitée, qui m’impressionnait sans que je la comprenne bien. J’ai su ensuite qu’ils avaient commencé par des EP shoegaze avant de s’articuler un peu mieux en sortant leur premier puis deuxième LP. J’avais probablement dû passer assez vite sur leur discographie complète, mais j’avais gardé en tête des souvenirs de quelques chansons et, au fil des années, a fini par résonner dans ma tête une mélodie lointaine, dont je n’ai compris que récemment qu’il s’agissait d’un blend des deux premiers titres de Honey Bee. Leur lignes de chant se ressemblent effectivement un petit peu, et il y a le même mood mêlant confusion et amusement, sur une rythmique chaloupée, avec des éclaircies qui surgissent dans une brume qu’on traverse vite : tout ça s’était fondu ensemble dans ma mémoire. Quand je suis donc retombé sur « Uptown Invisible », je me suis dit « AH C’EST CE MORCEAU, GÉNIAL ! » puis ensuite « ah mais non en fait c’est pas exactement le même, mince ». Mais j’ai saisi le fond de l’affaire en passant au morceau suivant, « Meringue », qui comme son nom l’indique se veut caribéen dans son beat introductif, avant de vite faire place à une mélodie indolente, lumineuse, enivrante, qui s’engouffre dans un pré-refrain pas évident, lequel se révèle alors être le refrain, pour disparaître prématurément au profit du couplet. Honnêtement, c’est une construction téméraire, et c’est peut-être pour ça que mon cerveau a dû aller piocher dans « Uptown Invisible » afin de renforcer l’inscription sonore de la chanson dans mes neurones. Il faudrait demander aux neuropsychiatres disciples d’Oliver Sacks, ils auront sans doute une explication. Enfin bref, après tout ce temps, j’ai enfin écouté en entier et avec attention Honey Bee et …XYZ : ils ne sont pas mal du tout, mais me font forcément moins d’effet que ce binôme d’ouverture, qui me renvoie sans escale vers une époque reculée, mais soudain extrêmement présente, nette, et comme on le dit en anglais, vivid. Bon dimanche à toustes.

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