Éthéré et luxuriant, c’est comme ça qu’on aime le yacht‑rock au Japon

PIPER Summer Breeze
Yupiteru / Light In The Attic, 1984, rééd. 2019
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Dans la plus pure tradition du yacht-rock californien de la fin des soyeuses années 70 et du début des non-moins belles années 80, PIPER, formation japonaise emmenée alors par Keisuke Yamamoto, a vu son second album Summer Breeze réédité par Light In The Attic – label qui, avec Numero Group et Music From Memory aura sans doute bientôt réédité toute la musique obscure de la seconde moitié du 20e siècle. PIPER, c’est un groupe disparu au mitant des eighties qui s’épanouit dans un océan de guitares duveteuses, de riffs cajoleurs et de percus qui ne percutent pas trop. Ce n’est pas un éloge de l’eau tiède : c’est du yacht-rock. Mais un yacht-rock qui a vu le jour de l’autre côté de l’océan Pacifique et qui, forcément, sonne un peu différemment que sa version originale. 

C’est en Californie, région-matrice ensoleillée où règne une certaine douceur de vivre entre des palmiers décatis, les plages à pertes de vues et les canaux bondés de Venice Beach que le genre est né. Surtout, un soleil ni trop fort ni trop faible tape toute l’année sur la tête des musiciens et le yacht-rock est l’enfant de cet agglomérat à température ambiante. Une musique pop, vaguement rock, pas mal disco et surtout douce. Soyeuse, propre, voire même lisse, très bien produite, débarrassée de toutes impuretés, et qui glisse toute seule dans nos oreilles, comme une après-midi sur l’eau. Une après-midi aisée tout de même, un bateau de croisière personnel n’étant à la portée de pratiquement personne. Le terme de yacht-rock viendrait tout droit d’une d’une série de vidéos parodiques du début des années 2000 sur la vie des stars du genre comme Steely Dan, les Doobie Brothers, Kenny Loggins… Une série diffusée sur Channel101 où les blagues fusent à la même vitesse que les hymnes qu’ils entonnent et où les jeux de mots sur l’eau, la croisière, les bateaux et le rock sont trop nombreux pour qu’on puisse tous les compter. 

Cet éloge de la douceur ouatée, qui aura sa part du gâteau sur le tableau pop mondial en son temps, a essaimé aux quatre coins du globe et jusqu’à notre sujet du jour, le Summer Breeze de PIPER. Sorti en 1983, il contient tous les ingrédients du genre, mais twiste sa recette avec une bonne dose de boogie et d’esprit laidback. Le disque s’ouvre par le son des vagues, qu’on entend à nouveau quelques titres plus loin sur « Samba Night » et partout, il y a cette décontraction balnéaire. La pochette appelle à la même évasion (un surfeur blond, vu de dos, vêtu d’un crop-top), entouré de couleurs douces et d’un bleu azur. Pourtant, la musique ne donne pas forcément envie de sortir en courant sur le sable chaud. C’est une bande-son que l’on peut très bien écouter passivement, comme fond sonore, à l’image de la « BGM » pour « background music », pensée par le Yellow Magic Orchestra et dont PIPER s’est inspiré ici. Leurs envolées synthétiques, qu’elles soient carrément ambient (« Twilight »), boogie (« Hot Sand ») ou disco (« Moonlight Beach ») peuvent toutes être entendue au loin, avec une certaine distance. Ce qui n’empêche pas d’en apprécier les raffinements et les surprises, tel « Starlight Love », carrément reggae/rocksteady, tout en reverbs et basse sur ressort. 

L’ensemble de l’album définit à la perfection le mot lush, « luxuriant » ; chaque arrangement est poli jusqu’à en être brillant, et chaque instrument sonne là où il devrait être. Au passage, la production musicale nippone de cette période montre une fois de plus sa supériorité sur à peu près tout le reste, et cette capacité à tout faire sonner parfaitement fascine. Tout est ordonné, beau et doux dans le monde merveilleux du yacht-rock japonais – un paradis pour celles et ceux qui ont la fièvre de la perfection ménagère en ces temps de confinement domestique. 

NB : avant d’être réédité par Light In The Attic, Summer Breeze avait d’abord été exhumé en 2018 par le label japonais Vivid Sound, puis posté sur une chaîne YouTube où l’algorithme a engendré le même genre de miracle d’IA qu’avec le disque de Midori Takada, puisque cet album tout de même obscur compte aujourd’hui plus de 500 000 vues sur la plateforme. On aime beaucoup Light In The Attic mais on peut imaginer que leur choix a ici été légèrement opportuniste, même si on les savait déjà passionnés de pop insouciante et nippone des années 80.

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