Le rappeur qui aimait la house, c’est Loveni (et sinon le dernier La Femme est super)

LOVENI You Can Dance If You Want To : A Selection of House Music mixed by Loveni
Permission II Dance, 2020
LA FEMME "Cool Colorado"
Disque Pointu, 2020
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Musique Journal -   Le rappeur qui aimait la house, c’est Loveni (et sinon le dernier La Femme est super)
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Pour le weekend je vous propose un très bon mix de house, essentiellement américaine et vintage (Theo Parrish, KOT, Dance Mania, Aaron Carl, Urban Tribe, KDJ, etc.) qui a la particularité d’avoir été réalisé par un rappeur français que j’adore : Loveni. Je crois que je n’ai jamais parlé ici de ce jeune homme qui a sorti une tape géniale l’an dernier et que je compte parmi les rares artistes, dans la scène rap de notre pays, dont j’aime à peu près tous les sons. Je trouve qu’il dégage un truc que n’ont pas les autres, il a une « empreinte vocale » très forte, son débit est pile là où il faut entre la détente et l’arrogance, il a un style cainri mais parisien en même temps, bref c’est un crack comme on dit. J’ai récemment appris qu’il avait pas mal écouté Cuizinier, et quand on y pense c’est évident. J’en profite pour rappeler qu’il fait partie du crew Bon Gamin que j’adore tout autant, avec Ichon, Jeune L.C., et puis Myth Syzer, beatmaker devenu rappeur-chanteur et auteur d’un de mes projets préférés du rap français de ces dernières années, Bisous.

J’étais un peu surpris d’apprendre qu’il avait donc fait un mix de house, à l’invitation de Ford Stems de Permission II Dance, et qui plus est un mix de house « pour les connoisseurs », avec des références souvent plus vieilles que lui-même (il est né en 1993). Mais en écoutant sa sélection et qu’on est familier de sa musique, on comprend le lien : c’est ce groove, cette chaloupance, ce frisson de volupté qui traverse le corps saisi par le rythme. Il le dit d’ailleurs lui-même, puisque je lui ai posé quelques questions : c’est en cherchant les samples des morceaux de rap qu’il écoutait qu’il a diggué le funk, la soul et la disco et qu’il a fini par arriver à la house et par comprendre que les deux genres étaient liés voire carrément unis au départ, non seulement dans la prod mais aussi dans les sapes et l’attitude.

Des voix proches ou lointaines, de la basse qui creuse son sillon, des drums posés mais qui ne laissent pourtant pas le choix, et souvent des climats psychédéliques voire mystiques, la nuit, la brume, la chaleur, tout ça. Mais Loveni semble aussi kiffer les trucs vocaux un peu plus tradi, il joue par exemple « Love Will Find A Way » de Victor Romeo et Leatrice Brown, que je connaissais pas, avec une 303 discrète qui le range dans la petite mais précieuse catégorie de ce qu’on peut appeler l’acid garage. Il place aussi, dans un élan de spontanéité qui scandalisera les puristes, le classique de Cybotron, « Clear ».

Loveni ne rappe pas que sur des beats de rap, on l’entend par exemple exceller dans « Noir ou Blanc » avec Ichon, sur une instru disons « nouveau boogie », mais à ma connaissance il n’a pas encore posé sa voix sur un beat house. On sait qu’il y a déjà pas mal de précédents rap/house en France ou ailleurs, il y a bien sûr eu la hip-house voici des lustres mais il y a huit ans on avait déjà eu un cas de rappeur qui se mettait à mixer de la house, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agissait carrément de Snopp Dogg sous le nom DJ Snoopadelic. Bon, j’avoue que sa sélection m’avait moins ambiancé que celle de Loveni. Et chez nous, il y a Grems qui a travaillé à fond le mélange de deux genres, et là sous l’influence revendiquée de KDJ. Je serais curieux de voir ce que ça donnerait d’entendre un couplet du @doublexlov sur de la Detroit house ou même du gros garage du New Jersey, même s’il m’a dit ne pas être fan du mélange des deux, ou alors carrément préférer le rap sur de la ghettotech !

Il faut savoir que ce mix n’est pas un one-shot puisque depuis trois ou quatre ans Loveni joue ce genre de son en soirée, notamment dans le bar de son collègue Jeune L.C., qui aujourd’hui a fermé, hélas. Il fait même partie d’une équipe, Heartbeat, visiblement très versée dans les ambiances fin 80s/début 90s – quel homme de goût ! Voilà, bravo à lui et à cette initiative de quitter un instant le continent rap pour aller visiter d’autres contrées.

Avant de vous laisser poursuivre votre weekend, je voulais parler d’une chanson récente qui elle suit un chemin inverse, et qui part d’une contrée non-rap pour aller vers le continent du rap : c’est « Cool Colorado » de La Femme. J’ai toujours bien aimé le groupe sans jamais avoir non plus rincé leurs disques : disons que je les respecte à fond et que c’est de loin le groupe indé français le plus important depuis dix ans, sauf que je ne les pratique pas beaucoup. Mais depuis septembre, ils ont sorti deux morceaux en prévision de leur futur album, et là pour le coup je suis super fan. Le premier est une sorte d’hybride hyper fluide de plein de trucs, qui pourrait être (attention c’est possible que je dise n’importe quoi) une inédit de Enzo Enzo produit par Helios Creed de Chrome puis masterisé par Chab (la dernière info est vraie). C’est superbe, il y a des cuivres, façon feria, comme le suggérait David Blot l’autre jour quand j’ai en parlé avec lui.

Le deuxième morceau où La Femme, et plus précisément l’un de ses chanteurs, Sacha Got, se lance donc dans le rap, s’appelle « Cool Colorado » et je pense que c’est la première fois de tous les temps qu’en France j’entends un « non-rappeur » se mettre à rapper sans être ridicule, et même en étant carrément très bon. C’est tout le contraire de Bagarre, de Biolay, de Fauve, même de Katerine que je ne trouve pas exactement convaincant quand il rappe, même s’il est drôle et distrayant. Là le mec est à l’aise sans se la raconter, s’approprie le truc avec panache, franchement c’est impressionnant. Il fait corps avec la super instru qu’il a derrière lui et qui, passé sa rythmique plus ou moins boom-bap, ressemble davantage à un track de Connan Mockasin qu’à un beat de Metro Boomin – ça on est bien d’accord que c’est une chanson « pas rap » sur laquelle il rappe, c’est pas un vrai morceau de rap, ok. Mais ça n’enlève rien à son flow ni à la qualité de ses textes, et donc voilà, chapeau La Femme, chapeau Sacha, et chapeau le rock français d’avoir enfin réussi à intégrer le fameux esprit du hip-hop sans embarrasser tout le monde.

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