Claviériste hors pair, atroce chanteur : le cas du sympathique Robert Lamm

ROBERT LAMM Ses meilleures chansons
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J’ai toujours eu beaucoup de mal avec le groupe Chicago : à part « Street Player », samplé par Kenny Dope sur « The Bomb » des Bucketheadz, leur espèce de soul-rock gavé de cuivres n’est vraiment pas ma came du tout, leurs tubes gnangnan me gonflent, et leur dimension « live » finit de m’achever, je m’imagine paumé dans un festival un samedi aprèm, au milieu de mâles blancs qui rigolent fort et qui ne pensent pas que Gérald Darmanin devrait démissionner. Bref, les membres de Chicago sont sans doute d’excellents musiciens et peut-être même des types décents, mais leur musique me met mal, désolé.

En revanche je vais rapidement parler de la petite carrière solo de leur claviériste Robert Lamm (rien à voir avec Olivier, à ce que je sache en tout cas), qui est aussi l’auteur d’une bonne partie de leur répertoire mais qui a eu l’idée judicieuse, en menant ses projets personnels, de ne pas trop faire du Chicago. À la place, il a cru bon de donner dans un genre de sous-McCartney qui rencontrerait du sous-Steely Dan. On peut dire que sa discographie est erratique : un premier album en 1975, un deuxième en 1993, puis, entre 1999 et 2012 cinq disques solo, plus un album collab avec Carl Wilson et Gerry Beckley d’America, sans oublier un remix-album ! Un élan post-crise de la quarantaine qui devrait en inspirer plus d’un.

Ce qui frappe au départ, c’est que Robert chante comme un pied, en particulier sur son néanmoins excellent debut LP. Et là pour le coup ça n’est pas une fausse impression comme chez Joe Bataan (qui se trouve avoir repris une chanson de lui, et c’est par ce biais que je l’ai découvert) : il galère comme pas possible, essaie lamentablement d’imiter des grands chanteurs inspiré, varie les registres sans jamais rien réussir, c’est totalement raté. Les paroles sont également assez nulles, dans les mots comme dans les thèmes, et là ce n’est pas juste à ses débuts, ça reste une constante sur ses disques plus « de la maturité » qui fourmillent de vaines méditations sur la modernité et l’éternité : le monde va si vite aujourd’hui, mais est-ce que les hommes changeront un jour – OK Robert. Mais étrangement ces défauts ne gâchent en rien l’indéniable charme des instrus, voire (et là je suis sans doute pervers) je dirais qu’ils les améliorent, ou du moins qu’ils les rendent encore plus touchantes et plus étranges aussi : c’est comme s’il avait voulu écrire des chansons universelles mais que finalement personne n’y croit, alors oui c’est un peu glauque mais avec le passage des années ça créé un truc intéressant, ça me plaît cette solitude, cette erreur de communication. Je ne sais pas s’il découvrait son matériel ou s’il n’était pas sûr de commercialiser ses morceaux, mais sur quelques titres ça ressemble presque à des trucs outsider à la R. Stevie Moore, ou disons à du psychédélisme de chambre d’étudiant anglais, légèrement Ayers ou Wyatt. Mais au-delà de mon analyse un peu complaisante, je trouve quand même que plusieurs chansons de ce premier disque, qui s’appelle Skinny Boy, sont des merveilles dans leur veine pseudo-Beatles/crari-jazzy. Le quasi-tube « Temporary Jones » avec ses changements d’accords téméraires, la minimaliste et piano-centré « Until The Time Runs Out », la balade automnale « Sing To Me Lady » : c’est un peu bancal, ça tâtonne, mais ça n’empêche que ça fait super bien le job (contrairement à Gérald).

Dans le deuxième partie de sa « carrière », Robert est resté au fait des avancées technologiques et a donc exploré les évolutions de son instrument : il a notamment été l’un des pionniers du keytar. Dès son album de 1993, il façonne des paysages synthé-FM parfois convaincants, mais c’est vraiment dans les années 2000 qu’il commence à se lâcher lorsqu’il rencontre un certain John Van Eps, lui aussi claviériste, mais également ingé son versé dans la library. Le remix-album dont je parlais plus haut est entièrement réalisé sous la houlette de Van Eps alias JVE, et je dois dire que dans le genre « period piece » de la pop FM « un peu électro » du début des années 2000 c’est vraiment chouette, et pour le coup le répertoire n’est composé que de chansons de Chicago totalement réaarrangées, ce qui les révèle à mes oreilles de façon tout à fait salutaire, je dois dire.

Voilà donc une sélection de chansons qui ne seront probablement pas écoutées comme autre chose que des œuvres secondaires voire tertiaires mais qui dans leurs moments les plus délicats vous feront changer de disque si vous avez trop rincé Steely, McCartney, Prefab Sprout ou Blue Nile (ces deux groupes s’entendent surtout dans la deuxième partie de carrière de Lamm, même si là pour le coup je pense que ce n’est pas un hommage volontaire), et dans leurs moments plus fun suggèrent la pop adult contemporary à la Robert Palmer/Cock Robin/Wet Wet Wet, sauf que dans ce cas précis presque personne n’a écouté ces morceaux. Ce n’est pas du génie, ce n’est pas même pas du vrai talent non plus, mais disons que c’est une combinaison de passion et de savoir-faire qui donne un résultat qui parvient à dépasser le stade du « sympa ». Parfois on a juste besoin de ça, et que voulez-vous, ça tombe bien que ça existe, contrairement à notre ministre de l’intérieur.

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