Pas besoin d’être Devin ou Agnès Bussin’ pour capter que ce disque est exquis (surtout le dimanche)

Devin Morrison Bussin'
Nothing But Net, 2019
Devin Morrison Bussin' (Instrumentals)
Nothing But Net, 2020
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Musique Journal -   Pas besoin d’être Devin ou Agnès Bussin’ pour capter que ce disque est exquis (surtout le dimanche)
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La semaine a été très rock très punk, très punk-rock (dans une acceptation plutôt large de la notion) en somme, chez Musique Journal. C’est une bonne chose, nous sommes d’accord, et je pense que les dames et messieurs né·es avant 2000 ne me contrediront pas. Par contre, bien qu’ayant été un des fiers instigateurs de cette vibe hebdomadaire momentanée, pas de rock’n’roll attitude pour moi cette semaine. J’ai passé plutôt celle-ci de l’autre côté d’un trou de ver, vautré dans un ferment soulful très avancé, l’âme prise dans un processus de lacto-fermentation commencé il y a très exactement 9 jours avec madame Ann Nesby et clôturant ce jour (je l’espère, il faudrait pas que ça dure des lustres, parce que la prochaine étape c’est l’Église pentecôtiste !) par l’écoute – que je voudrais collective, une communion par le groove – de l’œuvre la plus sexy qu’il m’ait été donné à entendre depuis… toujours, peut-être. Rien que ça.

« Ce sont les accords et les modulations, pour moi » : ce commentaire, un des derniers postés sur la page Bandcamp de Bussin’ de Devin Morrison résume à peu près (carrément, même) mon ressenti face à ce geste musical incroyable. On pourrait se passer d’article en fait, tant cette phrase dit tout. Dans Bussin’, la sève divino-cosmico-sexuelle des 7 cieux (petite pensée pour l’émissaire Iasos, parti rejoindre ses séraphins adorés par-delà les cieux) a effectivement convergé entièrement, dans le but de venir habiter les accords et les modulations. Je simplifie pour la forme, évidemment, mais ce disque se trouve magnifié par tant de choses qu’il est impossible de ne pas en rougir : la voix et le phrasé de monsieur Morrison (Lionel Ritchie avec toute l’audace d’internet, Frank Ocean avec des chevilles dans la norme, Keith Sweat en ubiquité), sa façon d’harmoniser distinguée, les parties de synthé et de Rhodes – nappes amples, stabs de basses indécents et solo épiques –, voire de guitare, la prod’ soignée et ciselée qui empile les couches et tient parfois limite du sound design, le verrouillage rythmique des (nombreux) éléments entre eux, LA POCHETTE… Tant de choses. J’ai le souffle court Devin, je suis prêt, je lâche tout !

Ça fait presque un an que j’écoute l’album régulièrement, toujours au moins deux ou trois fois d’affilée sans m’en remettre, et j’avoue que je ne tenais plus de vous parler de ce joyeux amalgame d’une partie des musiques africaines-étasuniennes « modernes » (à partir d’une seconde moitié, bien entamée, du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui), où les styles et les époques se télescopent pour donner naissance à la Dreamsoul, un rêve dont Devin s’est autoproclamé roi. Au sein des frontières de ce royaume, c’est fusion érotique et pas en cours du soir, à la recherche d’une trinité smooth-jazzy-fusion se voulant atemporelle et pourtant très référencée. C’est la grande fête de la brillance et de l’amplitude, nu-soul, r’n’b au pluriel, new jack racée, du funk beaucoup – avec ou sans G : « The Struggle iz Real », le morceau avec Daz Dillingaz, est un chant partisan pour le retour de la chemise à carreau manche longue et du bandana –, et il y en a pour tout le monde.

On retrouve aussi quelques invité·es pas du tout décoratif·ves, comme les trois mousquetairesses de Kings sur un « The Call (407) » d’un chic indéfinissable, ou la non moins élégante et céleste Joyce Wrice (cet EP mériterait un article à lui tout seul) sur « With You ». Je trouve d’ailleurs que ces morceaux parlent super bien du flou HD qu’est cet album, de la difficulté qu’il peut y avoir d’y faire le focus esthétiquement et sonorement parfois ; les passés y convergent, s’interconnectent avec finesse pour former un rétro-futur à la fois super familier et surprenant. Tous les morceaux à vrai dire me font cet effet sur cet album, je ne suis plus objectif ; mais en tout cas, il réussit vraiment le raffinement dans le suranné et la surface sans pour autant être plat ou vide, ce qui fait quand même pas mal défaut au tintouin lofi chill beat par exemple, je trouve. Et s’il est souvent difficile de savoir quand on est, ici l’endroit est toujours assuré, c’est la patrie du désir et de la volupté, un monde de cats vraiment trop classes, comme dirait mon ami Jacques.

Je vous conseille de parcourir un peu à la volée la série Dream Lobby (10 volumes à ce jour, le gars a du temps mais fait pas de la musique de chômeur, j’ai pas diggué tout ce qu’il a sorti, sérieux, je donne pas dans la philatélie !), disponible sur Bandcamp comme tout le reste et qui se place dans une ambiance différente, plus méditative parfois. On y décèle aussi le côté contemplatif et littéralement inspiré (gospel, quoi) du Floridien, qui n’émerge vraiment que sur une chanson de Bussin’, l’étrangement nommé « Fairytale » en collaboration avec LakksMable (son big bro’), où ça parle du fraté Jésus en toute décontraction, ce qui est à la fois étrange et plutôt revigorant, ma foi (lol). Aussi, la version instrumentale de l’album, qui se trouve n’être pas du tout dispensable et même plutôt prodigieuse, est à explorer avec autant d’ardeur que l' »original ». C’est la même matière mais en fait non, l’espace laissé vacant par la voix est vaste, toute la subtilité de ces plages complexes apparaît. Vraiment généreux sans être pesant, comme de bons nuages replets de chantilly. Charnel, mais d’une manière différente. La sensation est étrange : des formes qui s’étendent sans retenue, idéales et en même temps fonctionnelles dans le meilleur sens du terme.

Il y a beaucoup de nervosité chaude et profonde dans ces sons ciselés, délicats et/ou tranchants, comme sur « Oh no » par exemple, morceau dont la dynamique est superbement contrôlée. Je pourrais vraiment m’étendre sur pas mal de détails, sauf pour les paroles, qui sont jusqu’à présent un peu plus accessoires dans mon écoute, bizarrement. Elles participent à l’expérience mais un peu inconsciemment, je crois ; j’en saisis le sens par bribe, et pourtant je les sais. Il y a peut-être quelque chose de la manière dont les voix s’intègrent par osmose à l’ensemble, le mixage renforçant leur instrumentalité. Après je sais quand même que bussin’ est un terme un peu slang pour décrire quelque chose de vraiment délicieux, dans des secteurs importants pour certain·es membres de notre espèce : la nourriture, l’amour plus ou moins courtois et les physionomies déméteriennes. Les paroles de la chanson éponyme jouent d’ailleurs pas mal le jeu de la confusion des genres entre cul et culinaire (pardon), ce qui nous renseigne aussi sur la gourmandise du bonhomme.

Voilà, je ne sais pas comment finir alors je vais vous souhaiter un dimanche rempli d’extase, m’autocongratuler pour cet article dans son ensemble mais aussi pour le fait fait d’y avoir placé deux bons mots culino-graveleux (ou gravlax…), ce qui est quand même une bonne moyenne, je trouve. Et bonne queue de comète du week-end !

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