Un film hong-kongais Shaw comme la braise (et raboté à la grue)

Fu Liang Chou Intimate Confessions of a Chinese Courtesan
1972
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Musique Journal -   Un film hong-kongais Shaw comme la braise (et raboté à la grue)
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Je n’ai pas eu un grand entrain à l’écriture ces derniers temps, blasé pour le poids d’internet et son omniprésence/omnipotence reptilienne, mais aussi peut-être, on va pas se mentir, un peu saoulé par la rengaine de ce boulot-passion dévorant (et que j’aime d’amour attention, je tiens à le préciser, surtout à mes supérieurs) qui me demande quand même de pondre un article par semaine et m’amènera, à terme, à fusionner avec discogs. J’ai l’impression d’être perpétuellement en retard et d’écrire toujours la même chose, ressenti classique et presque cliché dans le milieu des manieurs de plume, mais qui n’en reste pas moins désagréable. Bref voilà, petit blues passager, les écrivaillons musicaux aussi peuvent se plaindre, nous sommes des prolétaires comme les autres merde, peut-être un peu plus portés sur la bouteille mais ça, c’est une autre histoire ! Un peu bougon mais déjà revigoré par ce coup de gueule sans destinataire lancé dans l’ether(net), je me retrouve donc ce matin à bricoler un truc en temps réel, pour l’amour du risque et des pantoufles, ce qui est le grand avantage de notre corporation.

Qu’écrire, que dire, pour qui ? POURQUOI ? Aucune idée. Ce que je sais de source sûre par contre, c’est que dans ces moments où ça pleut dans la tête, une chose éclaircie le monde : le KUNG-FU. Les deux semaines passées, ambiance hong-kongaise totale donc, dans un déluge permis à la fois par MUBI (que je recommande comme un influenceur au SMIC, franchement cette plateforme me sauve de fou, j’ai plus à zoner sur des trucs comme Netflix ou MyCanal, à me goinfrer de merdes à peine homologuées) qui a rendu disponible de nombreux films produits par la Shaw Brothers, et par Arte, qui a consacré une excellente trilogie documentaire à la mafia chinoise, et autant vous dire que la péninsule n’est pas que mentionnée comme ça, au passage. Deux salles deux ambiances certes mais pas tant que ça, quand on on connait les liens entre la pègre de Hong-Kong et le cinéma – je vous conseille déjà d’aller vous faire la page wikipédia de Charles Heung en introduction, ça pose le décor.

Je me suis donc retrouvé à mater pas mal de films d’arts martiaux produits par cette institution ayant traversé 40 ans qu’est la Shaw, le volume à fond malgré des mixages souvent (très, trop) audacieux. Cela ne m’était pas arrivé depuis un bon moment, et j’ai pris un plaisir démentiel à voir ces images à l’étalonnage irréel, ces combats chorégraphiés avec élégance, dans la longueur – sans ce montage épileptique qui est maintenant la norme et casse mes yeux de pépé, perso – ; à suivre des histoires touffues et un peu manichéennes avec ses gentil·les et ses méchant·es, qui emportent très loin, malgré ou grâce au fossé contextuel, c’est selon. Je me suis revu gamin, fasciné par la collection de VHS du padré, démesurée et estampillée René Chateau, avec ses jaquettes chatoyantes et complètement folles, où se côtoyaient Bruce Lee et Bebel, les explosions et les grands écarts, les dames en tenues serrées et les motocross. Il y avait quelque chose de clairement érotique là dedans, et j’avoue être toujours émoustillé avant que ne s’abatte sur moi un déluge de sang rouge vif dégoulinant sans plaie apparente et de torgnoles aux sonorités impossibles de compression (sur le même sujet, Le justicier de Shangaï, disponible en entier et en VF sur youtube, est un régal, le combat final vaut son pesant d’hémoglobine).

Après avoir revu pour la 134ème fois La 36ème chambre de Shaolin (qui reste toujours une putain de claque et une masterclass de dramaturgie), gardé les poings serrés devant Les Huits Diagrammes de Wu-Lang, touché l’extase avec L’hirondelle D’or (le thème d’ouverture, les chansons et les bruitages, les combats qui ne se dévoilent pas tant que cela mais tiennent en haleine, la photographie trop belle, Cheng Pei-pei !), je me suis finalement pris une bonne claque avec Ai Nu, Esclave de L’amour, improbable mélange de sexploitation, de mélo et de bagarre, où une jeune fille au caractère bien trempé, prostituée contre son gré, devient l’icône d’un lupanar et se venge bien comme il faut de ses tourmenteurs et surtout de sa maquerelle, lesbienne sadique aux ongles acérées, avec qui elle entretient par ailleurs une histoire de cul pas super saine. C’est violent et sensuel, un peu SM et débridé, y’a des bouts Pink Floyd à l’intérieur, et puis ça rappelle aussi aux papous du fond, au cas où, que c’est jamais facile d’être une girl, en Chine ou ailleurs, au Moyen-Âge ou aujourd’hui.

Si les films d’arts martiaux de la Shaw ont autant suçoté du côté de la library (cette compile, sortie sur un obscur label anglais, en atteste pas mal) que de celui de la musique chinoise plus tradi, il reste assez difficile, voir impossible d’avoir accès à certaines BO dans un état correct, c’est à dire à peu près cleans et sans trop de dialogues. Pourtant, un·e petit·e génie du bricolage a trouvé un entre-deux que je trouve absolument merveilleux : ne garder que les moments strictement musicaux du film et virer tout le reste, sans pour autant bouleverser la chronologie. On se trouve alors avec un montage très dynamique, cinématographique mais complètement décorrélé du film, qui des 87 minutes initiales se trouve ramassé en une trame sonore de 11 minutes 30 ! Ça ne remplace ce dernier à aucun moment hein, mais je trouve l’écoute qui en découle vraiment désorientante et intéressante. C’est un objet plein de transitions improbables et de cuts qui click, de fade in/fade out impromptus auxquels on ne s’attend pas. La première moitié est vraiment parfaite, c’est un bel ouvrage accidentel, ce qui me fait vraiment plaisir, vous vous en doutez. C’est pas si mal internet hein, t’es pas content là ? Et bah si voilà, je l’avoue et je propose même d’applaudir des deux mains Fish Man (un nom d’emprunt, j’imagine), dont la page est par ailleurs remplie d’erzatz d’OST reconstituées selon le même procédé, ce qui laisse présager de sacrées séances d’écoute.

Voilà, je crois qu’encore une fois j’ai digressé un peu, pas de films de gansters et on est resté quand même dans la niche, mais pour un second article, peut-être, qui sait ? De toute façon, je ne peux pas vous laisser en plan comme ça, sans vous avoir fait un peu plus goûter aux potentialités expérimentales de ce cinéma avec une baston homérique – surtout sur le plan sonore : les bruitages sont cartonnesques à s’en pisser sur les pieds, je suis vraiment fou des coups de feu, et la progression cavalcade funky-agressive qui se mue en nappe démontée par le phasing, c’est de l’émeraude – issue de Walk on Fire, épatant nanar de 1989 avec, dans le rôle principal, sa majesté Andy Lau.

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