Pour bela la mort n’est que le début, et la suite n’a rien d’un afterwork

Bela Noise and Cries 굉음과 울음
Subtext, 2024
bela Guidelines
Éditions Appærent, 2021
bela why are you so lost sweetie
auto-production, 2019
bela bbblues 1, 2, 3, 4, 5
autoproduction, 1996
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Ça faisait un bout de temps que je n’étais pas allé voir ce qu’avait sorti Subtext, ce label que je pourrais qualifier d’exigeant si j’étais ingénieur culturel (la dénomination existe pour de vrai, où va ce monde), d’un peu trop parfait et lisse si j’étais un gros hater (ce que je suis, carrément). Mais qu’importe mes dires, la structure curated par le très Berlin based – ce qui me fait penser à un morceau génial de Èlg, dont je ne sais plus le nom, autour du based artist, bruxellois·e cette fois ci, bref – James Ginzburg reste une cathédrale imprenable du bon goût, qui a sorti plein de disques très soignés que je n’ai toujours pas fini de digérer (au hasard). James Ginzburg qui, il faut le rappeler, non content d’appartenir aux sphères célestes de la musique subventionnée qui réfléchie en tant qu’éditeur ET musicien (avec l’excellent duo Emptyset notamment), a aussi été un des originators du dubstep – Tectonic, Pinch, Bristol, tout ça. Si tu pouvais foirer un truc James ça me ferait vraiment plaisir parce que ça commence à faire beaucoup !

Donc : je zone sur Subtext, il y a plein de nouveaux trucs (dont un J.G. Biberkopf que je me fous de côté) et notamment un nouvel album de bela, un·e artiste coréen·ne que j’avais notamment repéré dans le programme des Siestes à Toulouse, à Toulouse – iel proposait en effet en juin dernier une création inédite avec Ronce et Jiyoung Wi * à laquelle je n’ai malheureusement pas pu assister, mais qui s’est avérée riche en émotions, selon les dires de mes camarades. En avril dernier sortait donc Noise and Cries 굉음과 울음, un album dont le titre très emo ne laisse pas vraiment présager que la détente récréative va être l’enjeu central de l’histoire. Non ce qui a inspiré et guidé bela dans son process créatif est plus prosaïque et élémentaire, fonde la communauté d’expérience qu’est l’humanité : la mort (voilà voilà).

Nous voilà donc en prises avec des passions plus grandes que nous, à peine grandiloquentes, gothiques voire telluriques et qui pourraient rappeler quelques petits trucs aux habitué·es des musiques extrêmes. C’est principalement par cette voix gutturale qui grogne, souvent pas loin de la rupture, entre le growl et l’altération électronique/machinique que s’expriment ces furieux et funéraires excès. En fait, la manière dont bela arrive à faire cohabiter ce chant avec des instrus tout aussi marquées – des machins très pulsés et synthétiques, compressés af – est remarquable. Il pourrait y avoir dichotomie mais en fait non, iel installe sans problème son propre truc, feuillu et digital, que le texte de présentation sur le bandcamp met d’ailleurs en lumière, même si les mots ne sont pas vraiment utiles pour se rendre compte de cela.

bela utilise ainsi des items de la tradition musical coréenne, piochant dans les corpus et conceptions rythmiques ; c’est à la fois percussif et plein de douceur, incisif et éthéré (le morceau éponyme qui clôturer l’album en est un exemple et un résumé parfait, même si la voix n’y est pas la plus intense), et comme beaucoup de chose que j’aime, assez difficile à caractériser. Noise and Cries 굉음과 울음 fait ainsi converger les formes anciennes et complexe de cette musique insulaire et celles d’une mondialité queer ultra-digitalée et magnifiquement impure – je ne pense pas que l’expression soit la plus juste mais en même temps elle résume assez bien notre époque. C’est d’aujourd’hui et très bien MAIS, parce qu’il y a un MAIS, je dois avouer que j’ai trouvé un peu plus de sens et de plaisir à écouter cet album en l’intégrant dans le cadre plus large de la discographie de bela, puis à arpenter celle-ci en sens inverse, tel un saumon remontant le courant, de la noirceur vers la lumière pour donner dans les figures de style nazebroques.

Noise and Cries 굉음과 apparaît comme le jalon important d’une pratique, et la parution sur Subtext est une confirmation de cela, un adoubement, presque. C’est un album solide avec de belles fulgurances, rien à redire, qui par son jusque-boutisme vient pile s’insérer dans les canons iconoclastes de notre époque ; paradoxalement, cette coïncidence avec l’époque peine parfois à m’accrocher : l’ouvrage est plus que validé mais je reste néanmoins en dehors – c’est mon côté super snob, ça. Mais en y allant à rebours (comme Huysmans) depuis ce funeste opus jusqu’à ses précédentes productions, le sentier que l’on arpente est de moins en moins défini, comme si on avançait dans l’éther et la félicité, ce qui fait carrément écho au propos de ce dernier album.

Tout comme Noise and Cries 굉음과 , Guidelines infuse dans ce cosmos musical coréen élargi – dont la trace la plus sensible à nos oreilles est le jangdan, cette rythmique emblématique marquée par une certaine asymétrie claudicante et des bifurcations rythmiques – mais d’une manière plus concise, moins profuse, plus systématiques ; ses 7 morceaux s’apparentent plus à des esquisses osseuses, et j’adore les esquisses (surtout quand elles sont éditées sur les excellentes et montréalaises Éditions Appærent). Une année auparavant, bela sortait le très à-propos 2020 : l’épure toujours, mais la douceur remplace martialité. C’est une douceur un peu froide cependant, inquiétante aussi parfois, où les VST matérialisent des plages anagogiques (pour ne pas dire contemplatives, ce que je ne me pourrais me pardonner) comblant toutes nos attentes affectives – le « nous » caractérisant les personnes émotionnellement colonisées par le soft power étasunien, aka une grande partie des habitant·es de notre planète.

why are you so lost sweetie (2019) s’enfonce un peu plus dans l’épure des sentiments : réalisé durant son service militaire sur des ordinateurs partagés en mode survie – à l’aide du logiciel onlinesequencer.net et notamment d’un instrument MIDI de celui-ci nommé « concert harp » et prédominant sur quasiment tous les morceaux – pendant des sessions de 2 heures maxi avant le log out, cet album présente des pastilles dont la rudimentarité décuple encore, si c’est possible, les affects. C’est une œuvre directe et belle (Aeris Gainsborough dans les mélodies comme la pochette), plus que remarquable par sa simplicité formelle et ses conditions de productions complexes, et assurément mon œuvre préférée dans la production de bela. Et puis at least but not last il y a bbblues 1, 2, 3, 4, 5, uniquement disponible sur bandcamp, qui vient clôturer cette étrange randonnée d’une manière tout aussi étrange. Difficile de comprendre ce dont cette longue œuvre parle et d’où : sa date de parution est incongrue (1996, alors qu’un morceau en sample un autre de… 2021), le texte de présentation est mystérieux et ne comporte pas vraiment d’infos ; mais celui-ci, comme le nom des morceaux (au hasard : « Panorama to U-Weberwiese, U-Weberwiese to Panorama »), me fait pencher pour un journal sonore tenu lors d’un voyage à Berlin.

Cette collections d’ambiances où les enregistrements de terrain (les 7 premiers morceaux laissent la part belle aux field recordings, processés ou non) côtoient les longues plages pour boire du matcha, et tout prend le temps de décanter, dit beaucoup avec peu. bbblues 1, 2, 3, 4, 5, est en tout cas notre terminus, et sonne, avec quatre précédents albums, comme une dissolution de l’être ou du moins de l’ego – d’ailleurs : « 나락 », un morceau de Noise and Cries 굉음과, est une référence explicite au narak, l’abysse infinie bouddhique. C’est la béatitude, l’aboutissement d’une exploration régressive et la clôture d’une boucle ; comme si bela avait eu conscience de la réversibilité de son œuvre, tel·le un·e visionnaire neuroatypique. Comme quoi, il subsiste encore des mystères (auto-induits, certes, mais quand même) en ce monde !

* La création entre bela, Ronce et Jiyoung Wi a été réalisée dans le cadre des actions de la plateforme Shape+, subventionnées par l’Union Européenne via le programme Creative Europe.

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