C’est la fin de l’été : tout comme vous, j’ai des choses plus sérieuses à faire que de mater des trucs sur un écran mais, tout comme vous, je fixe des surfaces planes rétro-éclairées parce que l’écran, c’est la vie et ça depuis un petit bout de temps. Bref, je voulais vous proposer d’écouter un mix très cher à mon cœur mais inaccessible en ligne pour des questions de droits d’auteur. J’ai donc pris l’initiative de numériser l’exemplaire de ma cassette, et ce, juste pour vous.
Cette mixtape d’une heure trente, éditée par les éphémères Uncle Jack Tapes, est signée Yann Berne, aka Docteurlamort, Dokutoramo, Treasure Island, Asanoah, Beat Taxi, et cerveau du label Black Ship sur lequel a paru il y a peu un super album pour enfants. C’est un musicien génial quoique trop rare, dont la pratique hyper fine et psychédélique mériterait à elle seule un article – peut-être ici un jour.
Bush Weed Corn Trash vol. 1 est un mix virtuose de musique jamaïcaine dansante et immédiate, du reggae surtout, du type rempli de soleil – un soleil brûlant et révélateur, le genre qui fait s’affaisser les corps et compresse les basses, sous lequel on s’abrutit en connaissance de cause – sans trop verser dans le stéréotype. Certains des morceaux sont des classiques, comme le morceau de Bunny & Ricky qui donne son nom à la cassette par exemple, d’autres beaucoup moins. Il y a une vraie cohérence, on se laisse choper par le caractère enjoué et mystique de la chose, plutôt uptempo même quand elle se lamente et donne libre cours à un courroux salvateur. Yann fait ses transitions comme un ancien, dans le flux, avec application mais sans se prendre trop la tête. Il use aussi pas mal d’une technique imparable consistant à jouer en 45 tours des morceaux destinés à l’être en 33, ce qui délie presque instantanément les pieds de l’auditeur·ice, brouille les cartes.
La jouissance est totale : la tessiture des voix est plutôt perchée, celles-ci viennent chatouiller le cœur souvent. Les paroles prennent une autre saveur, parfois. C’est un mix simple mais définitif, jamais trop long. Je l’ai écouté un nombre incalculable de fois et je danse toujours comme si c’était la première. Il y a même eu quelques épiphanies, je dois dire – et je garde la liste des morceaux secrète afin que vous puissiez en vivre quelques unes, vous aussi.
Merci Yann Berne !