Après les malheurs de Sophie, voici venues les nonchalantes découvertes de Luca !

KARRAHBOOO, Anycia les nouveautés de Lucas
2023
Helen Island last liasse
Knekelhuis , 2024
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Musique Journal -   Après les malheurs de Sophie, voici venues les nonchalantes découvertes de Luca !
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Ça y est je suis enfin quelqu’un de mon temps, j’ai découvert de la musique sur Tiktok. La vidéo portait un titre du genre « OMG la voix de cette rappeuse 😱😱😱» alors en bon pigeon je regarde, m’attendant une fois de plus à perdre trente secondes de ma vie dans les limbes d’internet. Mais pour une fois, le titre n’était pas trompeur, Anycia a effectivement une voix assez dingue, extrêmement grave et râpeuse, elle pose ses couplets en donnant l’impression de n’en avoir rien à foutre ; alors oui, la nonchalance c’est un peu le gimmick #1 de ces dernières années, ça permet souvent de cacher le manque de flow derrière la désinvolture, mais ici ce n’est pas le cas. Anycia dérape constamment sur le beat, mais sans jamais sortir de la route, les virages sont pris très serrés, on frôle sans cesse l’accident mais le bolide évite à chaque fois le décor à la dernière seconde. De prime abord on peut être dérouté par cette conduite, d’autant plus qu’elle a tendance à foutre des mini-coups d’accélérateur là où on s’y attend le moins ; mais au bout de trente secondes on se laisse totalement avoir, on devient attentif à la moindre inflexion de voix qui est vécue comme un évènement. Le flow épouse parfaitement la prod – d’ailleurs les prods parlons-en : sons de cloches synthétiques, nappes FM très connotées 80s/90s, dans le délire plugg actuel, ces sons plutôt aigus laissent toute la place qu’il faut à la voix hyper grave d’Anycia –, la matière sonore est épaisse, dense mais jamais boueuse.

Sur « Drop top » les basses tapent, mais tout en douceur : c’est chaleureux, ça file tout droit. Le morceau « BRB » navigue en eaux un peu plus sucrées, un ostinato lancinant, une mélodie aiguë extrêmement westcoast, on marche au ralenti sur un trottoir écrasé par la chaleur. Au fil des morceaux, je dérive pour tomber sur « Splash Brothers », un featuring d’Anycia avec une autre rappeuse dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’alors, Karrahbooo (oui avec trois O). Là, je me mange en pleine fatche ma deuxième tarte musicale de la journée, et je l’avais pas vue venir celle-là. Karrahbooo, d’une nonchalance extrême elle aussi, rappe exactement comme elle parlerait, sans aucun effet de voix. Ça a l’air si facile en l’écoutant, elle sort des flows que j’ai jamais entendus nulle part, c’est tellement spontané que ça en devient ultra technique, tout en coulant comma la source… Karrahbooo arrive sans maquillage, sans bijoux, sans coiffure, en t-shirt, et elle défonce tout et tout le monde. Certes, on s’en fout de sa dégaine, mais c’est pour dire comme le personnage dénote au milieu de la surenchère visuelle propre au genre.

J’ai découvert après qu’elle ne sortait pas complètement de nulle part : elle fait partie des Concrete Boys (n.b. : peut-être que le nom pourrait être adapté maintenant qu’il y a une fille dans l’équipe ?), la team de Lil Yachty, et d’un coup on comprend un peu mieux le choix de prods, et aussi le fait qu’elle soit mise en avant en ayant sorti aussi peu de morceaux. Karrahbooo se démarque aussi par ses textes, auxquels je trouve un ton pince-sans-rire un peu plus humoristique que ce je suis habitué – mention spéciale à « I could tell he was racist, he was wearing Hurley ». Elle a vraiment un truc qui fait que ça pète au-delà de ce qu’on peut imaginer, en tout cas dans un monde où toustes les auditeurices de musique ont mes goûts. Sur la chaîne « On the radar », les deux rappeuses lâchent des freestyles, des vrais : pas du playback, pas des sessions Colors avec dix heures de postprod et trente pistes de backs. Juste une prod, une voix, du souffle.

Bon, sinon Loïc m’a demandé de parler de trucs sortis en janvier, février, et, bien qu’ayant découvert tout ça ces dernières semaines, je constate que tout ce dont j’ai parlé jusqu’ici a quelques mois d’ancienneté, autant dire une vie dans le monde d’aujourd’hui, alors pour ne pas faire un total hors-sujet, je vais me lancer sur un disque réellement sorti là, y’a à peine quinze jours, le « Last Liasse » de Helen Island, aka Léo de Simple Music Experience, qui est aussi le maître-esprit derrière Trigger Moral, VQOA, 96Scream, Hippy Dj, Radiante Pourpre, Haydée et sûrement encore quelques alias que je zappe ici. L’actualité de cet album n’est bien sûr pas la seule raison pour laquelle j’en parle, je trouve qu’il est d’une rare finesse et contient une quantité de tubes incroyables ; je le vois comme une espèce d’aboutissement de toutes les influences diverses et variées que Léo a distillé dans ses nombreux projets depuis une petite dizaine d’années maintenant.

Le résultat est à la fois familier et complètement alien, Xon y entend de la cold-wave, du post-punk, de la trap, de la pop FM, des ambiances cinématographiques, des génériques de série télé, des voix déformées, des sections de cordes, des bruitages en tout genre, des beats de drill joués sur des boîtes à rythmes antiques, un peu de reggaeton, le tout passé à la moulinette psychédélique de quelqu’un qui a fait et écouté beaucoup trop de musique complètement bizarre pour en sortir indemne. Sens de la mélodie, de la compo, choix des sons, tout est bien, les textures sont riches, comme Nemo (pas le poisson) on laisse son cerveau se faire border dans ce gros lit King Size mental pour aller chevaucher d’étranges contrées aux vapeurs enivrantes. Le joyau est à la fois brut et raffiné, le soin apporté aux détails rend l’écoute au casque pour les nerds dans mon genre complètement jouissive.

Mes titres préférés de l’album sont « u in the red », « it’s so easy », « dressed to shine », « no witness », « thank you » et « the mirror dance ». Oui ça fait beaucoup. C’est pour ça qu’il faut écouter ce disque.

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Parce qu’il faut bien sortir les cotillons parfois, Musique Journal célèbre aujourd’hui la constitutionnalisation de l’IVG à sa façon, avec une selectah de dancehall jamaïcain spéciale « female deejays », réalisée il y a quelques années par ce cher Étienne Menu. Une playlist réaffirmant une évidence : c’est par les femmes que ce genre bien mascu a touché les sommets.

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Musique Journal - Une histoire accélérée des Mastas of the Universe [archives journal]

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Le Syndicat des Scorpions est le pseudo d’un nouvel auteur de Musique Journal, qui s’occupe également du label du même nom. Il évoque aujourd’hui un autre label, MIDI Fish, bastion bruxellois d’une pop électronique mélancolique et lo-fi qu’on qualifiera non sans malice de « chouine-core », et dont les cassettes sont d’une insondable beauté. 

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