Remplacer les JO par des Go de GIGA

St.GIGA Tide of Sound collection
1990-2007
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Musique Journal -   Remplacer les JO par des Go de GIGA
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Le mois de mai, ses jours fériés et ses potentiels ponts, est généralement un moment de grâce que je savoure avec un plaisir non dissimulé. Le printemps, électrique, irrévérencieux, gonflé. Cette année pourtant, les astres ont quand même forcé, et j’avoue être à deux doigts d’appeler le service client.

Vous le savez, j’habite Marseille (enfin j’espère – je le mentionne pas dès que je peux pour rien), pas très loin du Vieux-Port et autant vous dire que les deux derniers jours, j’ai eu un aperçu de l’enfer. Après avoir vu, de mes yeux, les légions du capital venir s’entasser devant une scène COCA-COLA le jour où l’on commémore la fin de la seconde guerre mondiale, et subi vols d’hélicoptères intempestifs et mirages zébrant le ciel des traînes tricolores – le fascisme monte et une guerre coloniale est en cours, je le rappelle –, je peux vous dire que je pray carrément for mes franciliens qui vont subir l’enfer olympique, avec les deux mains jointes et en génuflexion.

Mercredi toujours, je découvrais que Liturgy, le groupe mené par Haela Hunt-Hendrix, avait sorti son sixième album l’année passée, 93696. Une œuvre tout simplement magnifique, pas besoin d’empiler les superlatifs et les périphrases. Je crois que la dernière fois que j’ai été tant remué par un album de musique extrême c’était en 2011 avec, et bien oui, le second album de Liturgy, Aesthetica, qui m’avait déjà foutu une gifle existentialiste avec recul conséquent. Voilà, je suis ravi, transfiguré même, Haela serait vraiment heureuse (enfin je crois, j’avoue ne pas capter grand-chose à sa philosophie mystique et jargonneuse post-tout). Et puis c’est produit par Steve Albini, ce qui fait toujours plaisir et ajoute du cachet. Je me rappelle avec nostalgie du bonhomme, de son œuvre, sa musique, son intransigeance aussi. Je me rappelle et j’apprend sa mort dans le même mouvement.

Perte de repère et colère, fragilité, ravissement, tristesse : c’est beaucoup trop pour moi ces évènements qui s’enfilent, les montagnes russes émotionnelles, y’a même plus le temps de souffler et comme le dit la philosophe : j’suis pas venu ici pour souffrir, OK. Dans ces moments de désarroi total, je n’ai que deux solutions : petita, écouter pour la millionième fois West Indies de Matt Houston ; petibé, continuer ma mission d’archéologie digitale et amateure visant à excaver et mettre à jour les archives et artefacts liés à St.GIGA.

Comme beaucoup de gens, ma rencontre avec St.GIGA remonte à la lecture d’Ocean of Sound, de David Toop, qui a le mérite d’avoir ouvert pas mal de portes à de lecteur·ices (dont je fais partie) : de nouvelles façons d’appréhender la musique et l’écoute, et la découverte d’artistes et d’albums cool. C’est parfois un peu rapide mais aussi très exaltant, comme un roman d’aventures lu pendant l’adolescence. Et c’est donc grâce à ce livre que cette radio satellite japonaise – aussi mystérieuse que son slogan (« I’m here. — I’m glad you’re there. ») qui n’a cessé d’exercer un pouvoir de fascination important sur moi – est entrée dans ma vie.

St.GIGA, qui a émis de 1990 à 2007, infusait d’une doctrine très « crête du nouveau millénaire ». Tout était encore possible et pensable alors, semble-t-il : la grille des programmes suivait un motif cyclique basé sur une table de 24 heures, où les thèmes diffusés correspondaient approximativement au cycle des marées ; la prog penchait fort pour les musiques soft et smart, un peu électroniques et chic (y’a des morceaux downtempo vraiment incroyables, je peux sentir toute la sensualité moite d’une époque), avec une approche inspirée de la biomusique souvent à deux doigts du cheap même si les enregistrements sont nickel, toujours rattrapée par une sélection impec’. Un feeling super nippon, en fait.

Si St.GIGA a également sorti quelques disques dans cette optique « sons de la nature en qualité audiophiles » mais c’est essentiellement sa série d’émissions, Tide of Sound, qui est devenue culte. Celles-ci prenaient la forme d’enregistrements vraiment pas dégueu de biomes assez banals (la mer, la pluie, la forêt, les oiseaux) se mêlant à des morceaux musicaux plus tradis pour construire le chill-out le plus étendu et raisonnable de son époque ; le tout s’accompagnait d’une narration endossée par un certain nombre de poètes·ses japonais·es, composant des œuvres spécifiquement pour les émissions. Je dis raisonnable, mais c’est toute proportion gardée : il y a quand même une science dans le décollage de la conscience, ce qui entraîne des dérives du Je plus que notables ; ça prend le temps de décoller les impuretés de l’âme en travaillant sur les muscles profonds et le flux vital. Je vais même utiliser une formule interdite pour l’occasion, ça relève presque du VOYAGE INTÉRIEUR.

Cette espèce de cosmopolitisme œcuménique zen me fascine : il sonne à la fois comme la pointe d’un libéralisme céleste et accompli – rappelons à toute fins utiles que l’accès nécessitait un abonnement et un décodeur spécial –, sans attaches terrestres, mais respire dans le même temps une profonde mélancolie. C’est un monde d’initiés qui se célèbre dans une marche funèbre inconsciente, voit le crépuscule se rapprocher et s’en délecte. Il y a mieux pour se sortir de la saudade me direz-vous mais en fait ça fonctionne carrément sur moi, je suis exalté à chaque nouveau morceau, à chaque rouleau d’écume HQ qui me rince l’oreille. Je suis un GIGA born again en fait, et ça me va très bien.

Pendant longtemps, il était difficile de trouver les enregistrements liés à la radio chapeautée par Hiroshi Yokoi, mais de bonnes âmes ont depuis rassemblé 41 émissions (c’est-à-dire approximativement 82 heures) de Tide of Sound au sein de playlists dédiées, sur youtube et surtout sur archives.org, mon site préféré sur la planète.

Je vous souhaite une bonne et longue dérive, on se capte de l’autre côté.

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