Le groupe bruxellois Arlette répète comme dans la cave d’une vieille maison en pierre

ARLETTE Les Ritournelles Dessous Le Paillis
Grammaire Vacante, 2024
ARLETTE Arlette
Grammaire Vacante, 2023
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Musique Journal -   Le groupe bruxellois Arlette répète comme dans la cave d’une vieille maison en pierre
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Arlette est une interférence dans le flux des jours. Les sens vont à leur rencontre comme à celle de l’anomalie que constitue ce groupe libre, inactuel et actif dans sa contemplation critique de la vie quotidienne. Dans les moments où le repli quasi général sur le format solo se fait trop étouffant, la somme de parties singulières des cinq ou six entités qui composent Arlette fait apparaître, dans la pratique collective des chansons, les affleurements de quelque chose d’autre, hors-temps sans être rétromaniaque, vivant et réellement protéiforme.

L’usage de la voix et des chœurs, de cris, gargouillis ou babils dessinent des espaces d’intensité diffuse qui irriguent ce qui, autour d’eux, reste de ces chansons dont la difformité permet la déshabituation. Une basse se promène au milieu de volées de surprises, pourquoi pas des flûtes, des appeaux, percussions, bricoles métalliques ? Des notes éparses, une oscillation électrique jaillit. Agrippé à ce bouillonnement instable, un violon sans contrainte ramène la sensation du bois et étend hors des guitares électriques un autre espace de cordes. L’injection d’écriture automatique ou de narration cinématographique déplace la conscience. Et là la section rythmique revient de derrière le buisson pour accompagner la remise en ritournelle, dont l’impression d’avoir pu la perdre permet d’en révéler la forme car notre écoute, elle, n’est alors plus automatisée. Dit comme ça, on pourrait craindre l’indigestion provoquée par ce mélange aux contours changeants, mais la combine est savante, et l’assemblage sublime en quelque chose d’autre ce qu’on appellait jusqu’alors communément le foutraque. La tension qui naît de tous ces déséquilibres et libertés orchestrées ne peut que laisser sur le qui-vive.

Évacuons déjà la question de ce à quoi cela peut me faire penser, de ce qui pourrait leur ressembler, pour t’aider à interpoler : ce serait quelque chose entre le début acidulé de Pink Floyd, en plus convivial, la scène de Canterbury, Fille Qui Mousse, Red Krayola, Faust, Saravah/Brigitte Fontaine, le RIO/Recommended Records, Etron Fou Leloublanc, Henry Cow, et puis tout ce qui a cherché à délier le rock dans de vieilles maisons en pierre. Plus proche de nous, on peut citer la Drache, Fiesta en el Vacio, Fievel is Glauque et le label « la Loi », quelques choses des quintets ou sextets improvisants que l’on peut trouver chez Standard-In-Fi. On pourrait aussi parler de la musique cajun peut-être, de la library pour films surréalistes et d’autres choses dont je n’ai forcément pas conscience.

La première cassette qui nous intéresse ici est un recueil de répétitions qui explorent des filaments d’instants, de pensées musicales, de poésie sonore. On dirait des rituels pratiques et des techniques de vie musicale en train d’être documentés. Ou les scènes en studio du documentaire Instrument de Jem Cohen sur Fugazi, si elles se déroulaient non pas au sein du groupe hardcore de D.C., mais dans un cercle de résurgence dadaïste bruxellois occupant des interstices de bricole grandiose. Des chansons émergent, rondes et comptines se manifestent au détour de l’entêtement produit par les thèmes et tessitures, une musique déliée où la ficelle qui-bien-ficelle se laisse porter par les vents et courants d’une chorégraphie qui se cherche.

Sur l’album Arlette, paru un peu avant, des morceaux rebondissent, dans un rituel restauratif de fête de moisson et battent l’éther d’une cadence folklorique, souple, incarnée. Une autre sonne comme  l’air frénétique du générique des Zinzins de l’espace jouée par les Diggers de San Francisco.

Je les ai vus sur scène fugacement à Bruxelles, plus pleinement à Lyon à Grrrnd Zéro avec Travaux Pratiques et Chloé Eclipse, et plus tard encore à Saint-Etienne à l’Entrepots dans une tournée qui portait aussi le duo Lu Du Du. Une fois, il y avait des instruments de musique sur la table de merch, flutiaux rudimentaires confectionnés à partir de matériel de récupération et peint couleur or pour leur donner un aspect de busines ou de trompettes d’appel médiévales. Ces flutiaux avaient justement servi quelques minutes plus tôt à faire sonner le début du concert, parmi le public, comme pour y ramener les esprits – soit deux façons jointes de décentrer la scène et de faire tomber ce quatrième mur, trop souvent imperméable dans les salles fonctionnalistes qui ressemblent à des grandes télés. 

Pour en revenir à la cassette évoquée plus haut, qui se présente comme « une archéologie des répètes du groupe Arlette », les formes libres de ce document étendent encore le champ d’action de la musique. La pêche aux artefacts dans ce continuum mashed-up d’instants, de rituels, d’exercices de jeu, d’ébauches et d’inachevés, d’idées qui se suffisent comme une idée et dont l’incomplétude permet de laisser libre à l’oreille et au cerveau de reconstruire ou imaginer, comme des phrases laissées en suspens, toutes les possibilités esquissées. C’est une façon de jouer avec la musique telle qu’elle n’a pas été faite, telle qu’elle a simplement été suggérée, de réinjecter les commentaires sur la musique en train de se faire pour lui éviter d’être ce qu’elle ne devrait pas être, fixée, tout en épousant les formes des mécaniques qui vont assurer sa rediffusion. Une façon de pousser à ses limites les enregistrements au-delà de ce qui voudrait les contenir et de s’assumer comme fantomatiques tout en rappelant la vie humaine à partir de laquelle elle se déploie. Ça fait comme des pelures d’agrumes abandonnées sur un objet, improvisé en table, ou l’équipement d’un salon qui serait dans un espace qui ne serait pas normalement un salon. La poussière faite poésie s’écoule dans un rayon de lumière comme les spéculations et considérations contingentes sur les certitudes. On est libre.

NB : ces deux cassettes sont sorties par la maison d’édition Grammaire Vacante de Valentin Noiret, reconnaissable à ses cassettes magnifiques, aux jaquettes en papier artisanal. On y retrouve d’autres projets de membres d’Arlette, notamment le duo acid folk/freak folk Blue Bees Sky Attack ou les explorations solitaires de Barbara Falson. 

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