Ce son si ardent d’une guitare indie début années 10 qui ressurgit d’un disque dur

Yuck Yuck
Fat Possum Records, 2011
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En faisant le tour de mes disques durs cette semaine, je me suis replongé dans l’énorme masse incohérente de musique que j’entasse depuis une bonne quinzaine d’années. Il y a de tout, là-dedans : des albums bien honteux, des edits improbables, des tracks téléchargés sur des forums certifiés années 2000, des bouts de la discothèque de mon père, des projets improbables… En fouillant, je me retrouve confronté à un empilement de tendances – personnelles mais également structurelles –, mais aussi à l’historique d’un mode de consommation de la musique très erratique dont je pourrais presque dater chaque période : l’ère des blogs, de Mediafire, de rdcdlbl ; celle des emprunts et échanges de CD, des bibliothèques municipales ou des mixtapes.

Il y a des trucs super là dedans, d’autres que je n’assume plus du tout – ce qui est normal. C’est toujours génial de prendre le temps de se vautrer dans ces plaisirs limite, de rattacher certaines chansons à des moments plus ou moins clés de son existence ; de se dire que le temps a passé mais que, hé, on a eu des moments cool, d’autre beaucoup plus lose, mais que ça valait bien le coup, dans l’ensemble.


À chacune de ces inspections – je replonge dans cette masse tous les trois ou quatre ans, histoire de constater que c’est toujours autant le bordel, sans jamais vraiment y remédier –, je redécouvre des trucs, mais il y a TOUJOURS un album que je finis par réécouter en boucle. Et là il s’agit du premier album éponyme de Yuck, sorti en 2011, un monument du rock indé, alors en plein retour de grâce, quasi tout-puissant.

Pour moi, ce premier disque est absolument parfait du début à la fin. Les compositions tellement simples, tellement belles, tellement « rock », tellement tout ; la façon dont elles s’enchaînent et se ressemblent, la production totalement de son temps mais qui emprunte aussi avec intelligence à différents espaces-temps pour constituer un ensemble cohérent, bien college et adolescent, où s’agrègent My Bloody Valentine, les Pastels, Pavement, Nirvana, Dinosaur Jr, même les Lemonheads, Sonic Youth – enfin vous voyez le topo. On ne réinvente pas l’ampli à lampe dans ces 12 morceaux, ça c’est sûr ; mais bon, il y a la cristallisation d’un spleen un peu suranné, qui parlait évidemment au moi avide de cette mélancolie anglo-saxonne un peu grossière, mais si irrésistible. Il y a eu une réédition « Deluxe », avec plus de morceaux, mais je trouve que ces derniers, un peu grossiers, n’ajoutent pas grand-chose : le morceau de clôture de l’album original, « Rubber », était déjà phénoménal.

J’essaye à chaque fois de trouver un point faible à ce disque, et franchement c’est tout bonnement impossible. C’est comme le premier album de Girls, Album, cet autre sommet indépassable de l’indie de ces années-là : ça ouvre un monde esthétique tellement clair et évident qu’on veut juste « en être », nous aussi ; choper des Rickenbacker, avoir les cheveux longs et blonds (pas forcément facile quand on les a noirs et crépus), se tartiner de soleil ras-la-gueule (pas forcément facile dans le Val de Marne), bref, connaître cette vie un peu ruff et cool, qu’elle soit californienne ou londonienne. Les paroles sont simples, à l’époque je peux les comprendre alors que je suis un peu une quiche en anglais – et c’est d’ailleurs avec ces groupes que je vais me perfectionner, en fait – et j’ai surtout l’impression qu’elle me parle directement.

Ce qui est assez dingue, c’est qu’après avoir pondu ce machin assez classe, Yuck réalisera deux albums pourraves. Enfin quand je dis que c’est dingue, pas vraiment : Daniel Blumberg, le chanteur et guitariste principal s’est en effet barré juste avant que le second disque ne sorte, laissant ses collègues Mariko Doi, Max Bloom et Jonny Rogoff entre eux. Et quand on écoute le boulot solo de Blumberg – je vous conseille notamment Liv, qui date de 2018 et où apparaît Neil Hagerty de Royal Trux, ou On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On & On, sorti il y a deux ans et produit par Peter Walsh, LE producteur de la seconde période de Scott Walker – on comprend que le cœur du groupe, c’était clairement lui.

Ce qui me rend maboule, c’est que même si je continue à écouter encore et encore le premier album de Yuck, la musique que j’écoute et pratique principalement maintenant est « autre », et j’ai l’impression que Daniel Blumberg a suivi le même chemin : sa musique est maintenant plutôt expérimentale – voire carrément, même si elle garde quelque chose de fondamentalement lyrique et pop – et presque totalement improvisée ; le mec zone au Cafe Oto, bosse avec Keiji Haino, Elvin Brandhi et David Toop, il est aussi plasticien, on est limite dans le cliché, quoi. Comme une sorte d’évolution conjointe mais déconnectée, un peu hasardeuse, peut-être un chemin un peu classique en somme, de la musique pour « adulescent » vers des machins plus sérieux.

Voilà, écoutez donc ce premier album éponyme, qui fout des frissons et me tire les larmes – à chaque fois. Et bonne canicule à toustes !

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