Sa carrière suit une étrange course, une sorte de conte de fées, une succession d’heureuses rencontres, telles qu’on pouvait les imaginer autrefois. Née à Bombay en 1945, élevée à la musique classique et traditionnelle indienne, puis au jazz qui explose hors de ses frontières, Asha Puthli atterrit à New York grâce à une bourse scolaire dans un institut de danse où elle croise John Hammond, producteur, musicien et découvreur de talents – à ne pas confondre avec le personnage du propriétaire dans Jurassic Park, joué par Richard Attenborough – qui lui présente ensuite Ornette Coleman. Elle enregistre sa voix sur le Science Fiction du jazzman, grand album avant-gardiste. Elle part ensuite pour l’Angleterre signer un contrat avec CBS, qui mènera à son premier album éponyme en 73. Fusion pop, esprit jazz et fureur disco s’entrechoquent sous un vernis glam, influencé par Bowie, Queen et T.Rex. Produit par Del Newman, arrangeur pour le classique Goodbye Yellow Brick Road d’Elton John, le disque n’est pas distribué aux USA mais il lui ouvre tout de même la voie au Studio 54, à la folie disco et au New York rêvé.
En 76 sort donc son grand album, The Devil Is Loose : une comète opératique naviguant entre disco et références pop, où Asha Puthli fait la démonstration de son talent d’écriture, puisqu’elle signe la totalité des titres de l’album, lequel est produit et arrangé par Dieter Zimmermann et Dave Virgin King. De « Flying Fish », ouverture jazz-fusion brûlante que l’on imagine tirée d’une interminable session d’impro, à la balade « Hello Everyone » ou aux complaintes « Wonder Why » et « Say Yes », tout un spectre disco option down-tempo est égrené avec grâce et majesté, jusqu’au tube « Space Talk ». Ligne de basse qui affole nos bassins, riffs hyper-sexués, voix susurrées, le tout tend vers une étrange aventure sonore hors de notre planète, tout en lâcher prise. Pas étonnant que David Mancuso ait repéré et joué ce titre dans son antre new-yorkais du Loft.
Puthli est aussi et surtout une voix : puissante sans en faire trop, juste, qui trahit une éducation classique – qui en impose, donc. C’est ce côté diva, au sens « traditionnel », qui imprime d’une façon inédite ces productions et leur donnent cette couleur glam, vibrante. Sans maniérisme, elle réussit à nous entraîner avec elle dans ses tourments amoureux. Cela sonne certes un peu over the top vu depuis notre 2020. Mais c’est si touchant qu’en ces temps de confinement, on peut s’essayer à y joindre nos vocalises, en simultané.
Puisque l’on a le temps, vous pouvez regarder une interview d’Asha Puthli, enregistrée lors d’une Red Bull Music Academy