À la recherche de l’ambient de bureau, épisode 5 : l’album instrumental de Lloyd Cole

LLOYD COLE Plastic Wood
The Establishment / XIII BIS Records, 2001
Écouter
Spotify
Deezer
Apple Music
YouTube
Musique Journal -   À la recherche de l’ambient de bureau, épisode 5 : l’album instrumental de Lloyd Cole
Chargement…
S’abonner
S’abonner

Note : l’album dont il est question ici a été retiré des plateformes dans la journée qui a suivi la mise en ligne de cet article

Nous discuterons sans doute une autre fois de la discographie de Lloyd Cole avec puis sans les Commotions, de sa voix suave, de son écriture si brillante et si lettrée et de son univers new-yorkophile alors qu’il est britannique. Personnellement, je l’ai découvert malgré moi quand j’étais enfant puisque ma grande sœur l’écoutait, je crois que j’aimais bien, sans plus, puis je n’ai quasiment plus jamais entendu une note de lui pendant bien vingt ans – il me semble que sa carrière 90s a été moins glorieuse et que les médias cools auxquels je faisais confiance l’ont plus ou moins ostracisé – avant de retomber sur lui au hasard, je crois, des recos Spotify. Et peu à peu je me suis replongé dans les trois disques des Commotions, que je possède d’ailleurs en physique, ce qui est très rare pour moi qui ne suis pas très attaché à l’objet-disque : une cassette achetée chez Croco, un vinyle chopé dans je ne sais quelle brocante et un CD réédité qui traînait chez GQ. Tout récemment, Lionel m’a convaincu d’écouter son solo Don’t Get Weird On Me Babe de 1991, qui est en effet très réussi dans un délire Paddy/Prefab.

Et c’est donc en regardant de plus près les albums sortis par Cole que je me suis aperçu qu’il avait publié un disque entièrement instrumental en 2001. Déjà, on peut s’étonner d’un tel choix de la part d’un type doté d’une voix aussi forte, et surtout d’une personnalité aussi égotique, je dis ça sans jugement, il faut juste admettre que le mec sait qu’il chante bien, sait même qu’il en fait parfois des tonnes, c’est le jeu. Il y a des gars dont on dit qu’ils pensent avec leur teub, Lloyd Cole, lui, pense avec ses cordes vocales, il vit pour les déployer, c’est son mode d’expression. Alors il y a de quoi être surpris de le voir sortir ce disque uniquement composé de plages instrumentales, et plus plus précisément synthétiques, puisque l’Anglais avait réuni pas mal de beau matos, peut-être en partie prêté ou fourgué par son collaborateur et ami new-yorkais Fred Maher – dont j’ai parlé dans le premier post de Musique Journal au sujet de Basic, disque incroyable, et lui aussi instrumental, qu’il avait fait avec le guitariste Robert Quine, autre camarade de studio de Lloyd –, batteur et expert des machines, qui d’ailleurs tournait encore avec lui récemment.

Ce qui me laisse encore plus perplexe, c’est que l’auteur de « Jennifer She Said » a opté pour des compositions extrêmement low-profile, pour ne pas dire timides. Il n’a pas du tout transféré son ego vocal vers des édifices mégalomanes, du genre à lui servir de carte de visite pour faire des bandes originales néo-classiques ultra pompières. Il s’agit au contraire de plages la plupart du temps empreintes de modestie, de discrétion, d’où leur présence aujourd’hui dans cette rubrique destinée à vous proposer du matériel à écouter au casque lorsque vous travaillez, si possible dans un bureau. C’est assez mignon de se dire que le mec a peut-être pris conscience de ses excès narcissiques (et alcooliques ou autres) et qu’il s’est dit, dans une démarche presque new-age, allez, je vais changer, je vais m’intéresser à tout ce qui n’est pas moi, aux rues, aux devantures, aux lumières, aux visages des gens qui ne me regardent pas.

C’est donc un disque d’ambient urbain, de vignettes électroniques façon Eno de seconde zone (ce qui n’est pas péjoratif), avec moins d’ambiguïté, moins de reflets, je dirais, et à la place une touche de lyrisme franc mais qui n’a jamais trop le temps de s’épancher (les tracks sont souvent très brefs) et parfois un enduit à base de nappes « électrolounge » de pas si mauvais goût. Il y a deux morceau plus club que les autres, vers la fin, « Park West » et une titre-fleuve de dix minutes, « Machinist », que je trouve tous les deux super bien mais qui, en 2001, devaient avoir bien huit ou dix ans de retard sur la techno dubby qu’ils citent. Écouté vingt ans plus tard, tout cela passe beaucoup mieux, même si l’on se dit surtout qu’à l’époque les gens n’avaient pas dû être tendres avec cet album pourtant sans prétention, touchant et d’une certaine façon courageux de la part de cette ancienne star qui n’essaie même pas de faire genre qu’elle suit les sorties Warp. Ah ça pour encenser Eraser de Thom York voire L’imprudence de Bashung (que j’adore, hein), y a du monde, mais dès qu’il s’agit de soutenir un crooner tellement paumé qu’il n’ose plus chanter, y a plus personne ! Mais aujourd’hui, on a compris ce que tu voulais faire, Lloyd, et on est avec toi, même si ton prénom reste toujours un peu chiant à écrire.

PS : en 2013 Cole a sorti un autre album instrumental, sur le label allemand Bureau B, cette fois-ci en collaboration avec un autre artiste, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Hans-Joachim Roedelius, un génie de la musique synthétique que vous connaissez sans doute puisqu’il est la moitié de Cluster avec Dieter Moebius, le tiers de Harmonia avec Moebius et Michael Rother, et le co-auteur de plusieurs chefs-d’œuvre de l’ambient 70/80 avec, notamment, Brian Eno. Le disque s’appelle Selected Studies Vol.1 et il est très bien, mais moins cute que Plastic Wood.

Type O Negative : l’art de la reprise

Il y a un peu plus de dix ans nous quittait Peter « Steele » Ratajczyk, chanteur et leader de Type-O-Negative. Rod Glacial revient aujourd’hui sur une pratique chère au groupe metal de Brooklyn : les cover versions de classiques pop ou rock.

Musique Journal - Type O Negative : l’art de la reprise
Musique Journal - Du lovers rock, encore – mais je ne pense pas que cela dérange quiconque dans l’assistance

Du lovers rock, encore – mais je ne pense pas que cela dérange quiconque dans l’assistance

Loïc Ponceau nous invite aujourd’hui à nous abreuver à la source du lovers rock très pur d’une trilogie d’albums signés Vivian ‘Sugar Love’ Jones, petits miracles d’équilibre entre ruffness digitale et caresses vocales, à la fois sublimation du sentiment amoureux et véritable précipité de sa physicalité.

Quand rien ne fait du bien, il y a l’emo pour le dire [archives journal]

Fin 2020, Rod Glacial concoctait un article sur l’émo nord-américain cette poignée de groupes originaires de l’Illinois et de ses environs qui, durant la décennie 90, ont défini le son qui allait faire pleurer tout un pan de la jeunesse de ce monde accompagné d’une playlist conséquente. Nous le ressortons aujourd’hui, en vertu de son indéniable utilité publique (cf. le titre de l’article susmentionné).

Musique Journal - Quand rien ne fait du bien, il y a l’emo pour le dire [archives journal]
×
Il vous reste article(s) gratuit(s). Abonnez-vous pour continuer à nous lire et nous soutenir.