Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise : Colette Magny Transmission

Colette Magny Colette Magny Transmission [playlist par Thomas Dunoyer de Segonzac]
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Musique Journal -   Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise : Colette Magny Transmission
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« Je suis un tout petit pachyderme de sexe féminin`

J’en ai gros sur le cœur

Ras la trompe

Ras la trompe… »

Colette me reçois-tu chère pachyderme de sexe féminin, et comment vas-tu ?!? Grande fauve du Pléistocène ! Colette me reçois-tu c’est une question rhétorique, je sais bien que tu ne prends plus beaucoup d’appels radio là où tu es, plutôt tu te balades dans nos mémoires comme un éléphant clandestin, planqué dans une forêt de l’Aveyron (vers Villefranche-de-Rouergue). Si je t’écoutais tous les jours, si je pouvais ne faire que ça de mon temps d’écoute disponible, ça irait vraiment bien (j’espère qu’au moins il y aura des éléphants dans nos forêts au siècle prochain, on pourrait refaire les ponts des anciens continents avec des coques d’ordinateur fondues, c’est une idée qui a de l’avenir). Les mouvements de ta voix sont comme les plis d’un long pistil enroulé sur lui-même, on se vautre dedans un peu ivres comme des abeilles. Bonheur dans les oreilles, te voici donc devant nous, rayonnant comme de la chaleur depuis chaque petit brasier que constituent tes traces sonores sur Internet.

Colette, flamboyante Colette me reçois-tu je te reçois, STOP. On va parler de bonheur, hein Colette, Colette Magny Transmission, j’espère que tout le monde nous reçoit – il va être question d’une chanteuse RÉVOLUTIONNAIRE ! Rubrique spéciale tables tournantes ! Mais version tournoiement de la table renversée par colère, les pieds en haut et la tête en bas.

Ta voix c’est tout ce qui est chaud, mettre la tête dans tes disques c’est comme faire couler le bain d’un bébé, c’est ça, le chaud qui se propage doucement comme une onde dans l’eau, mais un chaud très doux, à peine perceptible, presque la température du corps. Ce qui sort de ta gorge est naturel comme un requin tournant doucement sur lui-même dans une eau gorgée d’algues (renversement encore), c’est un peu idiot dit comme ça mais pourtant c’est ça, pas authentique, pas habité, mais naturel, un léger vent sans fin balayant la mousse sur des vieux arbres à moitié pourris, tu chantes comme tu respires. Qui pour incarner mieux que toi la génie spontanée, qui apparaît un beau jour sortie de nulle part et vitrifie tout le paysage comme un éclair à la mesure de galaxies.

Puisqu’il faut bien toujours commencer plus ou moins dans le mal, enfin c’est une idée reçue (la naissance, l’école, la première sortie en combinaison dans l’espace, la première grande traversée du monde quand on est un saumon, etc.), tu as commencé comme dactylo de l’OCDE. Transmission déjà, mais de baratin bureaucratique, et pas le tien en plus, en quelque sorte tu es née à la poésie au contact de la langue la plus morte qui soit (tu as d’ailleurs dans ta rage un petit côté Armand Robin, qui lui retranscrivait les radios du pouvoir dans ses « Bulletins d’écoute », et mourut d’un passage à tabac dans un commissariat en 1961, donc au tout début de ton envol).

M’éblouit presque autant que ton beuglement cette façon dont tu as fui du salariat, dont tu as défoncé l’enclos de ta boîte infernale (tu montres la voie, pendant que nous sommes si nombreux à barrir dans nos boulots-prisons), le début des années 1960 c’est l’époque pour toi des cabarets de la Rue Mouffetard, et puis ton triomphe à la télé au Petit Conservatoire de Mireille. Tu as vraiment ce jour-là le sublime visage concentré de la personne qui est en train de réussir son évasion (de jouer sa vie), tu te tires c’est bouleversant, tu les regardes et tu n’es déjà plus là (ça court dans tes yeux, c’est tout un troupeau d’aurochs qui nous fait le bonheur de nous piétiner).

Je sais très bien pourquoi tu m’évoques, sauvagement, une gazinière : c’est ton côté haut et bas, brûlant sous contrôle, mais brûlant quand même, c’est comme les cercles de feu bleu du gaz à tous les étages, il faut savoir comment ça s’allume, comment ça s’éteint, c’est très calme comme objet, et en même temps c’est du gaz et du feu, c’est dangereux. Ô girafe qui mugit, à mi-chemin de Saute ma ville et d’une soûlerie accompagnée à la guitare, c’est finalement une façon assez précise de te situer.

J’aime hénaurmément, avec beaucoup d’enthousiasme, ce mythe, cette histoire de toi reçue un jour dans le bureau du producteur de ta prestigieuses maison de disque américaine, renversant la table et saccageant la pièce en question parce que tu t’es entendue dire qu’il fallait que tu arrêtes de parler de ce communiste de Sartre dans tes chansons. Je te vois bien l’encorner, le producteur. Puis sortant dans la rue, radieuse et pleine de poussière et de bouts de costume, entonnant le début de « Baise m’encor’ » :

Baise m’encor, rebaise-moi et baise ;

Donne m’en un de tes plus savoureux,

Donne m’en un de tes plus amoureux :

Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.

C’est une longue émission-en-dérive qui a commencé ce jour-là (que ce jour-là ait vraiment existé ou non), pendant que tu t’enfonçais petit à petit dans la rivière sous les radars. Ton onde aurait pu se perdre, arrêtée en plein vol par ta purge en dehors de la grande distribution commerciale, mais en fait tu n’as jamais cessé d’émettre, oui je te confirme qu’on te reçoit toujours. Il y a Rhodia 4/8 une bombe et une caresse qui nous vient d’un futur très lointain (mai 1968). Il y a avant, pendant, après, la camaraderie avec François Tusques, l’incendiaire géométrique. Il y a une longue (longue comme l’allonge d’une lionne) série de disques au Chant du monde, qui t’avait ouvert ses portes. Tu y côtoyas mille et une voix de gredins et de pétroleuses, et notamment Vyssotski – ça te va bien tiens d’être rangée à côté de lui, mais j’écris rangée tu n’es pas du tout rangée.

Tu ne l’es pas, non, plus je me penche sur ta trace (debout sur la pointe des pieds forcément) plus j’ai l’impression d’essayer de m’y retrouver dans un vaste ballet de mites lumineuses, qui voleraient dans tous les sens dans la nuit d’un champ, en libérant dans l’air un nombre incalculable de pétards microscopiques, c’est immense ce que tu as fait, ça explose de partout dans un crépitement de feu de l’enfer et en même temps je me répète c’est si doux. C’est le poème de l’abondance partout et de la désorganisation, du saut acrobatique et de la révolution, le poème de nos futurs.

Colette Transmission… Charme Obscure Limpide Éblouissement Trompe Terriblement Envoûtée STOP Mais Anarchie Gigantesque Non Youpi STOP

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