Dimanche de contrebande n°5 : le dj Silva Sir-Fa glisse entre les styles comme un pro

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Il n’y a pas grand-chose à dire sur Silva Sir-Fa, et si le destin de notre planète ne connaît pas de retournement de scénar’ homérique (mais on ne sait jamais, peut-être pourrait-il devenir le seigneur d’une féodalité couvrant toute la partie sud de l’État de Washington ?), la musique et l’alias de Reginald Brown devraient rester peinards jusqu’à la fin des temps. Sans partir direct à l’échelle mondiale, le nombre de DJ hip-hop aux États-Unis, ne serait-ce qu’à New York, actif·ves ou retraité·es, est déjà si élevé qu’on doit pouvoir peupler une agglo un peu solide du Béarn sans soucis : Reginald Brown appartient à cette foule laborieuse.

S’il a eu quand même des collabs honorables avec Funkmaster Flex pour un disque sorti sur Massive B ou un mix r’n’b dévisseur de têtes sur Hot 97 puis avec DJ Kayslay pour une tape de fou en 2001, ce qui n’est pas rien , Silva Sir-Fa semble plutôt avoir pratiqué dans son coin, pour le plaisir, en restant tranquille sur la pression, « blendant » les tracks et les styles avec aisance, enchaînant les tricks, toujours dans une vibe mi sensuelle mi gangsta comme le légendaire DJ Juice, un peu. Plusieurs mixtapes sont donc dispos sur le net (dont la plus « neuve », THE RULERS BACK date de 2009), évidemment jalonnées d’interjections plus ou moins fantasques, comme le veut la tradition ; aujourd’hui, il continue son truc pépère, dans une ambiance « daron entrepreneur » qui a quand même un peu lâché la rampe pour partir sur des bails qui ne sont pas forcément ma came, pour le dire poliment.

En vérité, même si je peux m’enjailler sur ses agencements de tubes pas du tout confidentiels (qui j’essaye de berner ici, je m’enjaille carrément !) circa 2004, ce ne sont pas ceux-ci qui m’amènent aujourd’hui à écrire cet article, mais plutôt un disque trouvé à Montpellier grâce à la pote Cordier big up, et big up le Discopathe, aussi , Get It Right, unique sortie du label Quiet Warrior Music datant de 1999, et inécoutable sur le net à ma connaissance. Pour moi, les trois blends qu’il y propose, bien intrépides, se démarquent quand même du reste de sa prod par un côté un peu expé, une ergonomie de la teuf légèrement désaxée. On est encore sur du rework de grosses pompes avec des samples abusés, mais la ligne narrative est plus courte, les morceaux séparés. À l’écoute il est clair que Silva Sir-Fa a concentré à chaque fois en une poignée de minutes ce qu’il déploie d’habitude sur des temporalités beaucoup plus longues ; ce ne sont plus des enchaînements de tubes brillamment mixés, mais des tubes tout court, et la différence, même si elle est en grande partie contextuelle, est énorme.

Je ne vais pas vous gâcher la surprise mais la version de « What You Came Here For » de Trina & Tamara est grandiose et étrange, les tonalités du chant et de l’instru qui s’embrouillent, je pousse mais pour moi c’est de la UK Garage dépouillée de quasiment tout ce qui fait la magie de la UK garage (si ce n’est la tension tonale, donc) ; « Life » de K-Ci & JoJo est sublimée, avec ce sample de « Money, Cash, Hoes » de Jay-Z et DMX produit par Swizz Beatz et ce break nu-soul angélique ; il y a un freestyle de Hell Razah (des Sunz of Man) qui met en plaisir ; enfin, « Get It Right » « dirty » puis « clean version », je vous ai mis les deux pour le fun banger inidentifiable qui ne fait que monter en puissance (cf. les trompettes) et que je peux écouter en boucle (dirty version, évidemment).

Voilà, la qualité de l’audio laisse un peu à désirer, j’ai fait le rip au mieux, mais ça croustille quand même. Bravo en tout cas Reginald, refais-nous des mix bien scandalous à l’ancienne stp, voire un petit vinyle avec tes créas les plus extravagantes, je suis preneur veto sur Coldplay, par contre. Yé !

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