Cinq morceaux de freestyle music que j’ai découverts grâce aux ShittyBoyz

TPE "Forever and A Day"
MicMac, 1992
Angelique "Can't Live Without You"
Warlock / High Power, 1996
TIMMY T "What Will I Do"
Quality Records, 1990
SHANA "Falling Slowly"
Vision Records, 1989
MONET "Give In To Me"
Ligosa, 1987
SHITTYBOYZ / SHITTYBOY BABYTRON "Super Saiyan" / "Cheat Code" / "Star Player" / "Spirit Bomb" / "Blast Off"
2019-2020
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« La chose que j’apprécie le plus chez les ShittyBoyz, c’est qu’ils rappent sur des beats dance hispaniques des années 80. Ça reste dans le style du rap de Detroit, et en même temps, c’est différent. » Helluva est le producteur qui tire les ficelles de la scène rap de Detroit. Il lui a permis de gagner en visibilité internationale, tout en gardant un son local. Alors, quand il parle (dans une interview pour le site OkayPlayer) du dernier groupe à la mode de la ville, on l’écoute. La dance music hispanique dont il parle se nomme la freestyle music. On a affaire ici à une musique électronique, apparue à la fin des années 80 et  disparue au milieu des années 90, au succès fulgurant, principalement fabriquée à New York et Miami. Comment les Shittyboyz, trio de rappeurs de 19 ans, affilé à l’étrange « subculture » du scam rap, a-t-il pris goût à cette musique et décidé de faire à nouveau voler cette étoile filante ? Peut-être cela vient-il de BabyTron, le leader du trio, lui-même d’origine latino-américaine ? Une chose est sûre : le dialogue entre le flow nonchalant de Baby Tron et les beats déchainés de la freestyle music fonctionne comme un portail temporel. On passe d’une scène rap sous le feu des projecteurs au début des années 2020, à une musique électronique qui faisait fureur il y a plus de trente ans dans les boîtes de nuit et les radios dance new-yorkaises comme Hot 103. Je me suis donc amusé à traverser ce pont et à découvrir, via les Shittyboyz, cinq superbes morceaux de freestyle music.

Forever and a Day (TPE) / Super Saiyan (ShittyBoyz) 

Quand je veux montrer à quelqu’un ce que j’aime chez les ShittyBoyz, je lui fais écouter « Super Saiyan ». On y retrouve tous les contrastes qui font la saveur du groupe. Leurs paroles surréalistes jurent avec leur sérieux indéboulonnable ; leurs samples au BPM ultra-rapide détonnent de leur nonchalance à toute épreuve ; l’impression qu’ils donnent de se moquer du beat révèle leur véritable respect pour celui-ci. Ce beat, justement, provient ici d’un morceau de 1992 de TPE. Un bon morceau de freestyle music contient une boîte à rythmes réglée sur un bpm uptempo, des paroles romantiques, et un synthétiseur déchaîné. On retrouve tous ces éléments dans « Forever and a Day », morceau-laboratoire complètement extravagant aux boucles délirantes, qui passe du romantisme candide à des influences hip-hop. Derrière ce projet, on retrouve Adam Marano, une des rares voix masculines de la freestyle music, auteur de nombreux  projets, sous de nombreux alias. De ce personnage aux contours aussi flous que ses pseudonymes, certains, sur les forums de fans de spécialisés, retiennent une figure controversée, s’appropriant le travail des autres, tandis que d’autres rendent hommage à un bon producteur, cherchant à œuvrer avec les moyens à sa disposition. 

I Can’t Live Without You (Angelique) / Cheat Code (Shitty Boy Baby Tron)

L’une des particularités de l’usage du sampling chez les  ShittyBoyz est la manière dont ils laissent chanter les boucles, loin de les réduire à quelques notes. Sur « Cheat Code », on ne retrouve ainsi pas seulement les boucles de synthétiseur d’Angelique, mais bien les mots de la chanteuse, ainsi que toutes les variations de son morceau. ShittyBoy Baby Tron laisse ainsi entrevoir l’étrange mélancolie d’ « I Can’t Live Without You » . Le morceau de freestyle est porteur de la tristesse de sa chanteuse, s’exprimant tantôt en anglais, tantôt en espagnol, dans une ballade dance du plus bel effet. Angelique, poussée à l’époque par un producteur portoricain expérimenté, Tony « Dr. Edit » Garcia, fait partie de ces chanteuses freestyles qui ont disparu après avoir sorti seulement un ou deux morceaux. Elle était restée figée sur cette pochette, bloquée dans les années 1990, porteuse d’un nom et d’un visage énigmatique, jusqu’à ce que le trio de Detroit l’anime à nouveau.

What Will I Do (Timmy T) / Star Player (Shitty Boy Baby Tron)

Sur « Star Player », on retrouve davantage un traitement du sample typique de la principale ville du Michigan : un son étouffé, une rythmique dominant la mélodie. L’instrumentale est également interrompue par de nombreux cuts. Il faut dire que ShittyBoy Baby Tron, particulièrement en forme, n’a pas peur d’être offbeat, dans la grande tradition d’E-40 et de la Bay Area, zone géographique avec laquelle Detroit dialogue depuis des années. Alors, si l’instrumentale doit l’attendre, elle l’attendra. Malgré cette série de déformations du sample, on reconnaît assez facilement « What Will I Do » de Timmy T, légèrement ralentie. Timmy T est l’une des légendes de la freestyle music, l’une des seuls noms à avoir réussi à atteindre la sacro-sainte première place du Billboard, avec son morceau « One More Try ». « What Will I Do », ballade amoureuse gorgée de violons synthétiques héritiers du disco porte un souffle épique. Elle connut un succès moindre que « One More Try » mais atteignit quand même le top 100 du Billboard. La chanson cumule aujourd’hui plus d’un million de vues sur YouTube où elle a été postée il y a dix ans. Quant à Timmy T, il reste au contact de ses fans sur Facebook. La freestyle music n’est pas morte.

Falling Slowly (Shana) / Spirit Bomb (ShittyBoyz Baby Tron)

« Spirit Bomb » est un duo. La voix de Shana, affirmée et atteignant des notes haut placées, dialogue avec le timbre nonchalant de ShittyBoy Baby Tron. Sur « Falling Slowly », Shana a une voix pure, mais peu puissante, assez représentative des voix du genre. Elle a quelque chose de touchant, de candide. Cette voix vient se heurter à une rythmique soutenue, rappelant de manière assez évidente des rythmes typiques de claves cubaines. Aujourd’hui, Shana s’est reconvertie dans la country, après une pause musicale durant les années 1990. Mais, parfois, elle se laisse tenter, et reprend « Falling Slowly » en concert, comme sur une vidéo YouTube postée il y a trois ans. 

Give In To Me (Monet feat. Jimi Tunnel) / Blast Off (ShittyBoyz)

Dans un article fait de voyages temporels, il était logique de finir par le début : « Blast Off » est l’un des morceaux les plus anciens des ShittyBoyz de notre sélection, tandis que « Give In To Me » fait partie de la première vague freestyle dans les années 1980, contrairement aux autres morceaux cités qui faisaient partie de la seconde vague des années 1990. La chanteuse Monet, en 1987, signée sur le label de Chris Barbarosa, l’un des grands producteurs de freestyle music, sort un premier album remarqué. Cette sortie a lieu quatre ans après « Let The Music Play » de Shannon, l’un des premiers morceaux du genre, produit par le même Chris Barbarosa. Souvent comparée à Shannon, justement, Monet n’obtint pas le même succès. Autre élément qui la relie à Shannon, sa collaboration avec le chanteur Jimi Tunnel est particulièrement réussie. L’homme délivre un refrain d’une voix androgyne et assurée, et prouve que ceux qui disent que les chanteurs de freestyle n’ont « pas de voix » écoutent davantage leurs idées préconçues que la musique. Heureusement, les ShittyBoyz sont là pour panser les stigmates de cette musique trop longtemps méprisée et moquée.

On ne fait jamais un article seul, mais celui-ci fut particulièrement collaboratif pour moi, qui ne suis pas un expert de la freestyle music : je me permets donc de citer quelques sources : les commentaires YouTube, véritables détecteurs de samples (Tyler Jackson, Trey Dawg, bboyn0oddles), les sites  spécialistes de freestyle (FreestyleMania, ClubFreestyle), et de musique (OkayPlayer, auteur d’un article sur la résurgence de la freestyle music dans le rap, The Hyperreal Music Archive, auteur d’une histoire de la freestyle music, Rare and Obscure Music, auteur de biographies d’artistes méconnus), ou encore Alexandre T. Vasquez, chercheuse spécialiste des musiques latino-américaines.

4 commentaires

Bientôt dix ans sans Aaron Carl

Le producteur de Detroit refusait de coller à un genre plutôt qu’à un autre et nous a donc laissés une discographie singulière. Sur ses albums, il réussit ainsi à mélanger house commerciale, R&B lo-fi, arrangements electroclash, beats ghettotech et vocaux soul autotunés – un vrai paradis camp, qui scintille de mille imperfections. 

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