Bit Generation : la musique à l’épreuve du jeu vidéo

Toshio Iwai Electroplankton
Nintendo DS, 2005
Cornelius Coloris
Nintendo / Game Boy Advance, 2006
Écouter
YouTube
Écouter
YouTube
Musique Journal -   Bit Generation : la musique à l’épreuve du jeu vidéo
Chargement…
Musique Journal -   Bit Generation : la musique à l’épreuve du jeu vidéo
Chargement…
S’abonner
S’abonner

Fin des années 2000 : je fais un burn-out musical. M’impliquer dans mon label associatif m’ennuie (démos, promo, dodo), la musique que j’écris pour mon groupe est sans intérêt et je n’arrive plus à écouter un disque sans sentir monter en moi amertume et cynisme. Il est temps d’aller faire un tour ailleurs, avant d’être dévoré tout cru de l’intérieur. Je saisis alors une circonstance professionnelle pour m’immerger dans un monde nouveau, celui des jeux vidéo : en effet, la médiathèque pour laquelle je travaille me propose de créer un espace où les enfants et les adolescents pourront venir jouer sur des consoles. Je ne suis absolument pas un gamer dans l’âme, mais la culture vidéoludique m’intéresse : les podcasts de LibéLabo sont super, de nouveaux magazines apparaissent (et disparaissent), j’ai tout un nouveau vocabulaire à comprendre, des repères à recréer.

Tout cet univers n’est finalement pas si éloigné de l’industrie musicale, avec ses majors, ses labels indés, ses auteurs, son appareil critique et surtout des trucs un peu souterrains (pas trop quand même) avec des volontés expérimentales. Mais j’y renais, d’une certaine manière, sans non plus me refaire tout à fait, car je suis vite attiré vers les rapports qu’entretiennent les créateurs de jeux avec la musique. Il y a bien sûr les grands compositeurs de blockbusters, qui tirent de la partition au kilomètre, avec un horizon hollywoodien à peine dissimulé. Mais il y a aussi les artisans du 8bit, scotchés sur une temporalité bien cadrée. Il y a les jeux de rythme qui demandent au joueur de suivre le tempo et de taper juste (de Rapapa the Rapper à Guitar Hero). Il y a aussi cette idée de greffer au processus de création musicale celui de l’interaction en direct, via la manette. Mais las, il s’agit plus ou moins d’adapter des modes de séquenceur le plus souvent déjà bien connus.

La seule œuvre dans ce genre à laquelle je me connecte (malheureusement pas avec un pad branché dans la colonne vertébrale comme dans Existenz de Cronenberg) et qui semble inépuisable est celle d’Eletroplankton de Toshio Iwaii, qui crée des interfaces graphiques kawai et hypnotiques. Ce jeu sans but fait de vous un réel improvisateur, avec votre stylet et votre double écran (la jeu est calé sur la DS de Nintendo) en animant plusieurs tableaux : l’effet est apaisant, hypnotique, pour peu qu’on se laisse aller. En explorant cette piste ouverte par ce musicien, je suis tombé sur bit Generation pour Game Boy Advance, une série de jeux créés par Nintendo, uniquement disponibles au Japon (les fameux imports). Des mini-jeux créés par des musiciens, au gameplay d’apparence très simple, plutôt porté vers les oreilles. L’un (le plus complexe) se joue d’ailleurs quasiment les yeux fermés, à l’aveugle. Celui qui m’a le plus rendu fou est un jeu dont la musique est composée par Cornelius, génie du shibuya-kei déjà évoqué ici et auteur d’au moins un tiercé de disques gagnants : Fantasma (1997), Point (2001) et Sensuous (2007). Il est ici le concepteur et sound designer du jeu Coloris : sorte de Rubik’s Cube aplati, il s’agit de réunir des carrés de la même couleur pour les faire disparaître et ainsi de suite, avec de plus en plus de couleurs différentes.  Effet addictif garanti dans la conduite d’un morceau de Cornelius en direct, puisque le son évolue en fonction de l’action du joueur. Morceau sans début ni fin, mouvement perpétuel, mélodie entêtante, à chaque fois à la merci d’infimes variations. Le graal naïf qui réussit le coup gagnant : grâce au talent du musicien qui a su saisir à la fois l’essence de la musique électronique (et de la pop) et et des règles du jeu vidéo, on se retrouve carrément dans sa tête de génie. Interactif.

Un commentaire

Linda Di Franco, chanteuse malgré elle au destin baléarique

La Turinoise Linda Di Franco voulait devenir réalisatrice, mais pour espérer y arriver elle a dû accepter de chanter. Un chagrin d’amour plus tard, elle laissera deux tubes de pop susurrée qui feront le bonheur des afters d’Ibiza. 

Musique Journal - Linda Di Franco, chanteuse malgré elle au destin baléarique
Musique Journal - Non pas un, mais deux disques de guitare néo-zélandaise pour se purifier par le feu

Non pas un, mais deux disques de guitare néo-zélandaise pour se purifier par le feu

Pour enfoncer un peu plus le clou de cet été thermostat 1000, tentons une variation non pas autour de la langueur estivale, mais de la lourde et insidieuse chaleur de notre étoile, avec deux albums réalisés par les guitaristes du mythique groupe néo-zélandais Dead C : 21st Century Field Hollers And Prison Songs de Bruce Russell, et Electric Guitar de Michael Morley.

Lord Tusk et le mystère du placard à épices

L’énigmatique Anglais Lord Tusk, ami de Steven Jullien du label Apron, vient de sortir une collection de trente instrumentaux lo-fi qui célèbrent sans se la ramener l’art du sampling brut.

Musique Journal - Lord Tusk et le mystère du placard à épices
×
Il vous reste article(s) gratuit(s). Abonnez-vous pour continuer à nous lire et nous soutenir.