À la recherche de divers aspects de la musique contemporaine, vol. 3

PASHANIM "Airwaves"
Pashanim / Urban, 2020
FACTORY "Cache ta joie"
Pathé, 1979
MARCO PASSARANI ft. ORLANDO OCCHIO "Criticize"
Peacefrog, 2005
CHRIS REA "Thinking of You"
EastWest, 1998
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On savait qu’en matière de rap l’Europe continentale n’avait d’yeux que pour les artistes français et on est donc bien contents de voir ce rappeur berlinois au flow relax et désabusé, du nom de Pashanim, démarrer son refrain par « wesh wesh », voir un de ses copains faire la danse « guitare » de MHD, et par ailleurs citer Zizou, M’Bappé et porter le maillot du PSG. Pour le reste ça n’a pas grand-chose à voir avec les sons qu’on entend ici, puisque l’instru en 4/4 sonne moins « Bande Organisée » que « Deep Burnt », ce qui ne l’empêche pas d’être un merveilleux tube – qui était déjà à 12 millions de vues quand DJ Slow me l’a fait découvrir. J’adore l’ambiance du clip, le décor avec ses beaux immeubles (je ne suis pas expert de la capitale allemande mais ça ressemble au quartier de Prenzlauer Berg), les quelques meufs présentes parmi les mecs, et puis cette thématique sur les chewing gums Airwaves, quelle trouvaille !

Jusqu’à récemment j’ignorais que Jean-Patrick Manchette avait écrit une comédie musicale rock, intitulée « Cache ta joie », à la suite d’une commande d’un théâtre stéphanois à la fin des années 70. Il faut savoir que Manchette n’aimait pas trop le rock et préférait le jazz et qu’il connaissait mal le milieu des loubards. Toujours est-il que les musiciens qui jouaient sur la scène de la Comédie de Saint-Etienne était l’un des groupes-stars du rock de la région : Factory. Je crois me souvenir d’avoir vu passer un docu sur ce projet mais je ne le retrouve pas et du coup je ne sais pas trop si leur album du même nom est juste la partition de la comédie musicale ou si c’est une espèce de création parallèle, puisque les textes ne sont pas crédités à Manchette. Mais bref, le disque est dominé par du rock traditionnel parfois assez relou, les mecs, originaires de Givors, étaient très zicos, fans des Stones et de hard-rock, mais on les voit sortir de leur zone de confort notamment sur le morceau-titre, qui m’évoque énormément Television et que je trouve superbe, notamment grâce à la voix pleine de grain et de banalité (au sens positif) du chanteur Yves Matrat.

Est-ce qu’on aurait pas un peu oublié Marco Passarani et sa clique de cracks de Raiders of the Lost ARP ? À part le valeureux guerrier-archiviste Fabrice Desprez qui lui consacrait ce mix sur Rinse, j’ai l’impression que oui, hélas. Alors que ces gars étaient vraiment des tueurs, des papes de la techno romaine, des cardinaux de l’électrohouse à l’italienne. Et bref, l’autre jour m’est revenu en tête ce morceau génial extrait de son album Sullen Look sorti en 2005, chanté par Orlando Occhio alias Erlend Oye/Kings of Convenience, qui reprenait ou plutôt adaptait une chanson d’Alexander O’Neal, figure du R&B 80s et poulain de Jam & Lewis. La delivery du Norvégien est parfaite, et le façonnage de cette bombe pour dancefloors pas trop chépers est assuré avec tout le savoir-faire qui fait l’honneur des artisans transalpins. Mention spéciale aux nappes.

On termine avec un des artistes les plus mystérieux de la pop music, à savoir Chris Rea. Le mystère principal qui flotte autour de Rea, c’est d’abord de savoir comment ce mec peut osciller entre l’ennui folky bluesy le plus total et une légèreté funky, modeste quoique gracieuse, sur certains morceaux, tels que « Joséphine », titre fabuleux devenu un hit baléarique, qui sera ensuite samplé sur « Lucky Star » de SuperFunk, classique French Touch mi-abusé mi-sublime. Le mystère secondaire qui nous intéresse ici consiste à saisir si, lorsqu’il sort en février 1998 son album The Blue Café, Chris avait déjà entendu « Music Sounds Better With You », qui circulait déjà un peu en club avant sa commercialisation au début de l’été suivant. Car sur « Thinking of You », plage perdue au milieu de cet album (un disque plutôt réussi d’ailleurs, au sens léger sans prétention), on entend très clairement les accords du mégahit de Thomas Bangalter, lequel, on le sait, a samplé « Fate » de Chaka Khan pour construire la chanson, mais ce n’est pas tout à fait la même partie du riff qu’on entend sur la chanson de Rea. Alors est-ce que Chris a tranquillement plagié Thomas ? Mouaiche. Est-ce que Thomas aurait pu entendre le disque de Chris bien avant sa sortie officielle ? Ça paraît très improbable. Du coup, on ne peut que faire l’hypothèse d’une coïncidence et arguer que les accords en question sont finalement plutôt courants, et que c’est d’ailleurs pour ça, comme je l’ai écrit dans un article d’Audimat il y a deux ans, que « Music Sounds Better » a rencontré un succès aussi massif. Mais néanmoins : très belle chanson.

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