Les 183 trucs incroyables à retenir de l’interview de Pharrell par Nore

N.O.R.E, DJ EFN, PHARRELL WILLIAMS Drink Champs
Revolt TV, 2020
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Ça m’a pris six mois de mater en entier cette interview de Pharrell par NORE (dans le cadre de l’émission lancée en 2016 par ce dernier et son collègue DJ EFN sur la chaîne de Diddy, « Drink Champs ») mais je suis bien content d’en être venu à bout car je peux aujourd’hui vous en résumer les meilleurs moments et vous épargner de passer, comme moi, trois heures onze devant votre écran. Si j’ai mis tant de temps, c’est aussi qu’au-delà de son format « extended », j’ai en général du mal à rester longtemps devant de l’image sur Internet, même quand il s’agit d’un entretien avec l’une de mes idoles. Un podcast audio de trois heures, pas de problème, mais une vidéo où il faut quand même un peu avoir l’info visuelle pour comprendre le son, là j’ai plus de mal. Il y a aussi le fait que Pharrell n’a à ma connaissance jamais été un mec passionnant en interview, qu’il parle en général assez peu de musique et de son parcours, et qu’il préfère divaguer d’un air hyper pénétré sur ses facultés hyper-sensorielles, la grandeur du Dieu panthéiste auquel il croit, ou répéter des formules de développement personnel que personnellement je trouve peu convaincantes voire charlatanesques. Je l’ai moi-même interviewé à la sortie de G I R L en 2014, et comme je me trouve être un intervieweur plus que médiocre, je peux vous dire que le résultat était d’un ennui si profond que le rédac’ chef de GQ.fr m’avait finalement demandé de juste chroniquer le disque.

Bref, vous vous doutez néanmoins que si je vous parle de cet entretien aujourd’hui c’est au contraire parce qu’il est inhabituellement captivant, vivant, instructif, drôle. Le principe du programme, vous le comprendrez vite, c’est de picoler des boissons d’exception, généralement lancées par des artistes, même si à un moment Pharrell se sert un verre de sancerre. Ce qui fait qu’au bout de deux heures de conversation, NORE et lui commencent clairement à « être pompette », même si chez eux ils disent plutôt « tipsy », comme le chantait l’inoubliable J-Kwon. L’interaction entre le rappeur du Queens et le producteur-chanteur de Virginia Beach est très spéciale puisque le premier, fidèle à l’image qu’on se fait de lui, apparaît comme un personnage de grande gueule semi-beauf qui coupe la parole, applaudit, fume, chantonne et rigole très fort, pendant qu’en face de lui Skateboard P reste au départ pudique, maître de lui-même et de son discours, limite gêné par l’enthousiasme débordant de son ami. Les deux mecs sont non seulement amis, mais surtout, et ça Pharrell prend bien soin de le rappeler, la première prod des Neptunes à avoir vraiment cartonné dans les charts, c’était bien sûr le démoniaque « SuperThug » de NORE en 1997. Et c’est ce succès de l’ex-moitié de CNN qui a concrètement permis au binôme virginien, à une époque encore hyper dominée par New York, d’accéder aux grands noms du rap et d’en devenir eux-mêmes des figures indispensables dans les années qui ont suivi.

Il y a plusieurs longues séquences qui valent vraiment le détour, on rigole et on est ému en même temps, on se retrouve en plein dans les détails de l’histoire de cette musique qu’on aime tant et sur laquelle on n’a pas toujours eu tant d’infos que ça, surtout qu’il s’agit ici d’une période désormais reculée. Je vais revenir sur ces segments particulièrement hauts en couleur mais avant ça je voudrais déjà lister tout ce qui m’a frappé, d’un point de vue strictement musical.  

Déjà, Pharrell dit qu’il se considère et qu’il considère les Neptunes comme des artistes du Sud et que leurs influences étaient principalement Atlanta et Miami, y compris la bass. Mais ça ne l’empêche pas, en parallèle, de se montrer méga fan du son de N.Y.C. et du son de L.A., et de dire que Dre est le plus grand, même si NORE lui dit qu’il est meilleur que Dre (et qu’il a raison à 1000 %, bien sûr, mais je n’insisterai pas davantage là-dessus). 

Pharrell dit aussi qu’au départ, il n’avait pas cru dans le potentiel de « Beautiful » et trouvait son hook trop plat – je crois que je peux plus ou moins voir ce qu’il veut dire mais en même temps, je me demande si c’est pas de la fausse modestie de sa part. 

Quand Nore (je passe en bas de casse, c’est moche en capitales, pardon Victor) lui demande quel morceau il aurait aimé produire parmi tous les morceaux d’autres artistes qu’il a kiffés, il réfléchit en silence pendant au moins dix secondes et finit par répondre : « Lyrics To Go » d’A Tribe Called Quest, extrait de Midnight Marauders, avec le même sample d’« Inside My Love » de Minnie Riperton utilisé sur « Get On Down », un des chefs-d’œuvre de Kenny Dope. Et là Nore commente, presque comme s’il regardait l’émission de chez lui : « I was sure he was gonna say Tribe », et pendant quelques secondes je me suis imaginé Nore en train d’écouter A Tribe Called Quest comme ça, dans son salon, attentif, essayant peut-être de placer quelques « wha-what » ici et là sur les grooves gorgés de soul des auteurs de The Love Movement.

Il y a plusieurs infos que j’ignorais sur l’histoire de certaines prods des Neptunes. « Lookin At Me » pour Ma$e, le premier single que Chad et lui aient produit sous le nom de Neptunes, était destiné au groupe de R&B Bell Biv Devoe. Bon, ça, à la limite, rien de dingue. En revanche Pharrell nous apprend que « Slave For U » avait été enregistré par Janet Jackson mais qu’elle l’avait finalement décidé de ne rien en faire (la meuf avait confiance en elle, mais pas plus que son frère qui lui a carrément refusé toutes les instrus de ce qui allait devenir Justified de Justin, faisant dire aux Neptunes via son manager qu’il aurait plutôt voulu des sons « comme ceux qu’ils avaient faits pour Nore » – cette hypothèse d’un album de MJ sur des instrus à la « Superthug » ou « Nuthin » me mystifie). Je me demande si ça aurait été mieux que la version de Britney, peut-être pas.

Bon mais surtout, Pharrell n’était pas censé chanter sur « Frontin » : il l’avait composé pour Prince ! Ah le bâtard. Prince avait refusé, évidemment sans donner d’explication. Du coup le vocal de P sur la version qu’il se « résignera » à sortir (avec Jay-Z en feat, on le rappelle) est selon ses propres dires une imitation de Prince, rien de plus. Là aussi, je me demande si Prince aurait vraiment fait mieux – mais par ailleurs je me demande surtout si Prince a jamais posé sa voix sur des compos qu’il n’avait pas signées. 

Bon et puis dernière grosse info qui là, pour le coup, fait grave fantasmer, et elle concerne non pas les Neptunes mais Capone-N-Noreaga : Nore dit au détour d’une phrase que Biggie était censé avoir un couplet sur « T.O.N.Y ». Alors là, ça, oui, là on aurait aimé entendre ça et oui, c’est certain, ça aurait été mieux que l’original (original qui reste pourtant un des plus fantastiques moments du rap new yorkais des nineties). Et pourquoi, selon Nore, Christopher Wallace n’avait finalement pas pu poser ? « Parce qu’il était à L.A. à ce moment-là. » Ah OK. C’est genre la seule explication que t’as ? Cool.

« T.O.N.Y. » qui, on le rappelle, est une prod de Nashiem Myrick des Hitmen, collectif de beatmakers affiliés à Bad Boy à l’époque, et dont Pharrell, alors qu’il commence à se sentir un peu rébou, fait l’éloge solennel, en insistant particulièrement sur son travail pour Lil Kim avec le titre « Queen B**** » qui de fait est incroyable, je l’avais pas écouté depuis des années, j’avais zappé le puissance rythmique de ce track, de son instru à la vibe presque jamaïcaine dans le kick et la basse, ça flotte mais ça cogne en même temps. J’ai l’impression que Myrick, concrètement, n’a pas tant produit que ça sous son nom, mais il avait néanmoins sa patte, commerciale mais deep, une sorte de swing rugueux, c’est très très fort. Et Pharrell lui adresse un message face caméra pour lui dire que « Queen B**** » était la bande-son des drive-by à Virginia Beach, et que les mecs s’entretuaient sans une once d’humanité en écoutant ce beat. Sympa ce petit compliment, la vérité, ça fait plaisir ! Et c’est là qu’on saisit la complexité, l’ambivalence de Williams, qui se dit extrêmement inspiré par ces « ambiances », et qui en même temps avoue sans hésitation n’avoir jamais été le début d’un thug, voire être carrément l’archétype du civilian, du cave qui paie ses impôts et qui appelle les flics à la moindre embrouille – mais ça c’est dans une séquence qui arrive juste après.  

À un autre moment, il y a une autre info balancée comme ça l’air de rien par Nore, lorsqu’il explique que ses fameux « wha-what » étaient juste pour lui une manière de compter les syllabes quand il construisait ses lines, une sorte de yaourt, en gros – ou plutôt un « whaourt », si j’ose dire. Il m’a tué là, Victor.

Encore un peu plus tard, Pharrell cite « Hey Young World » de Slick Rick comme une de ses grosses réferences et je dois avouer que je ne connaissais ce track que de loin, honte à moi désolé pardon, et que j’ai trouvé que le mood général, le son des snares, et les synthés digitaux et oscillants, pas très rap pour le coup, annoncent (un peu) ce que sera le son des Neptunes. Il évoque aussi le rôle du clavecin dans leurs prods, et insiste sur son côté à la fois rock, riff-compatible, et sur ses qualités rythmiques. EFN le relance sur l’homogénéité sonore des premiers Neptunes en comparant ça aux riddims jamaïcains mais Pharrell ne répond pas vraiment, c’est dommage. 

Mais bon, le vrai gros moment qui m’a fait frissonner, c’est l’instant où Nore transmet une question de Charlamagne tha God (célèbre animateur du Breakfast Club, émission de radio historique du rap US) qui demande à Pharrell s’il se trouve meilleur que Timbaland. Bon, forcément, vu le personnage de Skateboard P, le gars va pas répondre : « Franchement, oui, je me trouve grave plus fort que lui », mais là j’ai adoré la subtilité de sa réponse. Il dit : « Non, Timbaland est meilleur que moi », Nore et EFN lui disent direct : « Ouais c’est ça, on te croit pas », et là il leur réplique, d’un ton appliqué : « Les mecs, écoutez-moi bien : Timbaland a fait “Four Page Letter” pour Aaliyah. Point à la ligne. » Quel génie de répondre ça. « Four Page Letter » c’est un des singles extraits de One In A Million, l’un des trois ou quatre meilleurs titres de la chanteuse, et l’une des prods les plus irréelles de Timbaland et Missy (qui co-produit, on l’oublie souvent, la majeure partie des titres de Tim jusqu’au début des années 00). C’est une balade genre abandon amoureux, larmes sur plage et soleil couchant, avec une ligne de chant éternelle et une rythmique qui a l’air un peu de se traîner, mais qui se traîne comme on traîne doucement les pieds dans le sable sous l’eau, contre un léger courant. On est un peu retenu mais l’effort qu’on doit faire pour avancer n’est en aucun cas pénible, au contraire il est plaisant, dynamique et sensuel, et on atteint une sorte d’état de grâce, d’apesanteur sentimentale et tactile qu’aucune autre chanson n’a, à ma connaissance, réussi à atteindre. C’est un bijou, un diamant, un joyau, je ne sais pas comment vous dire, et même si ce n’est peut-être pas l’instru le plus révolutionnaire de Tim et Missy, c’est en tout cas un son que Pharrell n’aurait sans doute jamais pu fabriquer, et c’est à mon avis pour cela qu’il le cite. En réalité Pharrell et Chad ne sont pas scientifiquement, rationnellement, moins doués que Tim Mosley, mais Williams a l’élégance de ne pas formuler la chose de façon aussi plate et inélégante, et préfère évoquer l’existence de cette splendeur faite par ses copains d’enfance, et qu’il a dû admirer sincèrement en comprenant qu’il ne pourrait peut-être jamais réaliser une œuvre aussi sublime – même si, je le répète, il a pu en faire plein d’autres d’un autre genre de sublime, et que Timbaland n’aurait pas pu composer. J’ai un peu de mal à croire à la soi disant humilité du gars, mais là pour le coup je le trouve fin, juste, délicat – tout comme sa peau et son visage, qui restent éclatants à 47 ans passés, grâce aux cosmétiques dont il fait la promo vers la trentième minute.

Sur les trois heures d’interview, il y a forcément pas mal de flottements, des moments où ça patine parce qu’ils commencent à radoter à cause de la tise, d’autres passages où Pharrell fait son Pharrell et se paluche sans trop y croire sur Elon Musk ou Richard Mille – même s’il se permet une remarque un tout petit peu effrontée en disant que c’est drôle qu’il soit égérie d’une marque de montres à 1 million de dollars alors qu’il n’a aucune conscience du temps et aucune mémoire des dates. Derrière son apparence de bourrin, Nore, lui, se révèle souvent « on point » et finalement moins fanfaron qu’on pourrait le croire. DJ EFN et lui ont une dynamique très comique à observer, au sens où EFN joue à la fois le rôle de manager sympa et de contre-autorité qui ne se laisse pas avoir, et parfois ça donne des scènes façon vieux couple, notamment lorsque le DJ rappelle à Nore qu’il n’avait pas aimé l’Armadale, la vodka lancée par Jay-Z, et que le rappeur lui répond : « Hey relax man », genre c’est bon, ça va, de l’eau a coulé sous les ponts. Nore peut se permettre d’avoir ce genre d’avis honnête puisque visiblement Jay et lui sont dans un rapport amical d’égalité totale, et la preuve c’est qu’à un moment il reçoit carrément sur son téléphone une question de Hov adressée à Pharrell, ce que l’intéressé ne manque pas de relever, fasciné, pour conclure qu’il n’y a pas deux Nore dans le monde, car il ne connaît personne d’autre à qui Jay-Z envoie des questions par sms. C’est vrai que ça impose le respect, en effet.

Bon, et pour finir, voici concrètement les séquences (« timemarkées » par mes soins) qui valent vraiment mieux la peine d’être regardées plutôt que d’être expliquées par moi. J’ai aussi inclus une petite playlist avec une bonne partie des morceaux cités, plus quelques sons early Neptunes pas toujours très connus.

ÇA COMMENCE OÙ LE SUD ?

C’est le premier morceau de choix de l’entretien, le moment où Pharrell parle de ses débuts en Virginie et soutient à Nore que le South démarre dès Washington DC et Baltimore. Nore est abasourdi mais laisse son copain défendre sa thèse – pourtant indéfendable face à quiconque habiterait les deux villes citées, ou aurait juste vu The Wire, où les gars sont en doudoune les deux tiers de l’année. En tout cas, c’est un beau moment de géographie spontanée, basée sur un jugement empirique incontestable de Pharrell : à DC et B-More, ils s’habillent pas comme à N.Y.C. Ouais c’est ça, nous prends pas pour des poires, Williams !

DRE, SNOOP, GUCCI

Nore demande ensuite à Pharrell ce qu’il pense de Dre, et le producteur lui répond que c’est le plus grand et se met direct à rapper quelques lines du couplet de Snoop sur « Deep Cover » (une des ses toutes premières apparitions enregistrées). Je ne vais pas vous mentir, j’ai eu des frissons en voyant mon idole se remettre dans son moi d’adolescent qui découvrait ce morceau. Et ce qui est encore plus fou, c’est que Pharrell se met juste après à rapper/citer le track « Peepin Out The Blinds » de Gucci Mane qui reprend indirectement le refrain de Snoop. Intertextualité, gangstérisme par procuration, cœur de fan soigneusement préservé : c’est ça le Pharrell qu’on aime.

PETIT INTERLUDE FÉMINISTE VITEUF

Un peu plus tard Nore essaie de lancer Pharrell sur son rapport aux meufs et on sent que derrière sa question il y a le désir d’entendre son ami lui livrer les secrets de son charme magnétique sur les femmes, voire de lui raconter ses histoires de groupies. Mais Pharrell, évidemment, le voit venir à trois kilomètres et court-circuite direct le truc en déclarant : « J’aime les femmes car ce sont elles qui donnent la vie, sans elles pas d’humanité, reconnaissons leur grandeur », puis en évoquant le fait qu’elles souffrent chaque mois, et qu’elles sont moins payées que les hommes – ce que Nore ignorait, vraisemblablement. Bref, c’est une certaine idée du féminisme, j’ai envie de dire, parmi un échange qui par ailleurs n’évoque que brièvement les femmes – P mentionne quelques instants Kelis, Missy et Tammy Lucas, et puis c’est tout. Bon, on doit quand même reconnaître qu’à la fin de l’interview, il fait un joli plaidoyer pro-LBGTQ, ce qui n’est pas forcément le truc le plus évident à faire face à un type qui en 1996 chantait dans « T.O.N.Y. » : « Kid you out on Pluto / Homo’d out just like Menudo », Menudo étant le premier groupe de Ricky Martin.

DRAKE CONTRE PUSHA : LA RÉPONSE EST DANS LES ASTRES

En revanche il s’étend longuement sur le beef Drake / Pusha T en livrant l’analyse suivante : Drake est scorpion, Pusha est taureau, donc voilà, c’est totalement logique qu’ils s’embrouillent. Une explication elle-même plutôt cohérente de la part d’un type qui a baptisé son fils « Rocket ». 

L’INSTANT « JACQUES » (EN MIEUX)

Il y a une séquence « saisie sur l’instant » où Pharrell entend un bruit dans le studio, une porte qui claque, on ne sait pas bien, et il explique qu’il a cru que c’était un beat qui démarrait. Quel sens du bruithme !

LA COKE OU LE WOKE ?

Vers la fin, Nore et Pharrell commencent à être sérieusement « rhabat » (EFN a l’air moins démonté, ou peut-être qu’il a moins enchaîné) et Pharrell juge bon de se lancer dans une défense plus ou moins woke et bienveillante des consommateurs de coke, mais aussi, tant qu’à faire, des trafiquants d’êtres humains et des pédophiles, en soutenant que Dieu seul peut les juger et que lui, en tant qu’être humain, ne peut que leur dire que ce qu’ils font n’est pas top top, et essayer de les comprendre et de les orienter vers autre chose. Pas très ekip tout ça, Pharrell, dis donc ! Mais son air inhabituellement béat me ravit, on dirait un gamin qui se bourre la gueule pour la première fois de sa vie. Et puis il se lance ensuite dans un petit gospel vraiment beau, faudrait qu’il se sample pour faire taire à jamais Kanye. Et là encore je me suis demandé ce que le Nore de « T.O.N.Y. » aurait pensé de ça, lui qui rappait, on le rappelle, « So fuck you / Plus your weak religion », à l’époque où il jouait aux chiens fous sympathisants de la 5 % Nation (sans avoir été réellement musulman pratiquant, si j’ai bien compris, contrairement à ses camarades moins impulsifs de QB, comme Tragedy Khadafi ou Imam T.H.U.G.).

SIGNE ASTRO : GROSSE BALANCE

Le meilleur moment, en tout cas le plus drôle, reste quand même celui que j’ai teasé plus haut où Pharrell éclaircit son rapport à la street et à la violence et admet très clairement qu’il ne tient pas du tout à faire partie de la « illegal life » célébrée par Nore autrefois. Son argumentaire dure plusieurs minutes, c’est incroyable, et j’adore la réponse mi-bienveillante, mi-perplexe de Nore. Et la réplique de P à cette réponse est elle-même encore plus drôle, puisqu’il se lance dans une imitation du fameux mème « de la moue qui dit mouais », et ça j’approuve. 

RAPHAEL SAADIQ DISSE-T-IL NEW YORK ?

Il y a une ou deux minutes où Nore lâche lui aussi gentiment la rampe en supputant d’un air très convaincu que le Californien Raphael Saadiq, à l’époque où il était dans Tony Toni Toné (donc il y a un bail), aurait dissé New York dans un de ses textes en disant « à L.A. il fait beau, contrairement à la côte Est où il pleut tout le temps ». Quelle brutalité, Raphael ! Intolérable ce genre de propos. Autant vous dire que EFN et Pharrell ne sont pas convaincus et que Nore commence à se dire qu’il ferait bien de lever le pied.

GUACAMOLY

Dernier moment goleri, celui où la discussion digresse sur les origines du mot guacamole et où Pharrell tout guilleret se lance dans une explication mythologique du terme « mole » qui viendrait du grec ancien « moly », et qu’il se rend compte à mi-chemin qu’il ne sait plus très bien si le mythe en question concerne Hercule, ou l’autre mec, là, le gars de l’Odyssée comment il s’appelle déjà… Odysseus [EDIT DU 12/10/21 : HONTE À MOI, « ULYSSE » SE DIT EN EFFET « ODYSSEUS » EN ANGLAIS, ÇA M’APPRENDRA À ME CROIRE SUPÉRIEUR AUX GENS QUI N’ONT PAS ÉTÉ EN KHÂGNE]. Après S-Pri Noir qui cite « Héphaïstos » parmi les philosophes grecs, la communauté hip-hop est donc heureuse d’accueillir un nouveau représentant du sous-genre « La Grèce ancienne vue de très loin ».

Voilà pour aujourd’hui, c’est un très long article pour une très longue interview, désolé, je suis pas sûr que ma stratégie d’économie de temps soit si payante que ça. Mais jetez quand même un œil sur les extraits que j’ai mis ou sur la vidéo en entier si vous en avez le loisir. Et si vous avez encore plus de loisir et encore plus de passion, matez aussi les autres « Drink Champs » de Nore avec d’autres stars, comme Lil Wayne, Nas, Cam’Ron, ou feu DMX, c’est vraiment du sacré boulot.

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