Il ne remportera pas les élections, mais Daniel Melero reste sans conteste le loulou dont l’Argentine a besoin

Babasonicos / Daniel Melero Cuatro Putitas
Discos PopArt / La Oreja, 2005
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Ça fait un petit moment que je suis certain qu’il faut que j’écrive un papier sur Daniel Melero. Mais par où commencer ? Pour une fois, on ne parle pas d’un obscur disque ambient d’un second couteau de l’illustration, d’un rappeur cloîtré dans l’anonymat, ou d’un chanteur de folk des Deux-Sèvre. Daniel Melero est une figure majeure de la musique pop argentine, et peut-être même de tout le continent sud-américain. On le crédite, lui et son groupe Los Encargados, d’avoir importé la new-wave en Argentine. Son rôle est central dans la fabrication d’une musique électronique proprement argentine, infusée de rythmes latins, mais surtout très embrumée. 

Dans le roman Prins de César Aira, un écrivain raté se met en tête de s’envoyer un cube géant d’opium, de la taille d’un lave-linge, pour redonner du sens à sa vie. À travers sa défonce, on visite un Buenos Aires énigmatique. Il n’y a pas d’issue, mais seulement l’errance et la confusion, un peu amères. Daniel Melero ressemble vaguement au personnage de César Aira. Celui-ci prend toutes les traditions musicales argentines, du tango au rock nacional, pour les faire disparaître dans un nuage de poudres en tout genre. Melero a donc travaillé, dans l’ombre, à rendre la musique populaire argentine toujours plus groggy, en produisant, par exemple, des albums de Babasonicos et Victoria Mil (pourtant déjà bien attaqués), ou ce bijou du shoegaze argentin. 

Sa carrière solo est aussi impressionnante, et la meilleure introduction à son œuvre est le coffret Cuatro, sorti en 2012, et agrémenté de pistes bonus. Fort heureusement pour nous, tout est sur bandcamp. Je recommande en particulier Rocio, initialement sorti en 1996. On retrouve sur ce disque une connivence avec les expérimentations bossa-trip-hop d’Arto Lindsay et Jun Miyake à la même époque, mais encore une fois, en plus vaporeux. Le morceau « Pina Colada » est un tube absolu les paroles sont faciles à retenir. Il y a tellement de choses à dire sur Melero, que c’est difficile de s’arrêter, alors je mentionne juste son invention de la chanson-minimal techno (bien avant les pénibles gémissements de Trentemoller) et je passe aux Cuatro Putitas.

Babasonicos est un des groupes les plus célèbres du rock indé argentin, et leur album infame, qui sort en 2003, est un succès commercial. Le magazine Rolling Stone en fait en outre un des dix meilleurs disques de latin rock, ce qui n’est la garantie de rien, mais le signe que même les boomers ont eu les oreilles accrochées par ce drôle de disque, que pour ma part j’ai du mal à aimer. Une compilation de remixes est ensuite sortie, signés Victoria Mil ou Kinky, dans la partie Mezclas Infame, suivi de quatre remixes du même morceau, « Putita », par Daniel Melero. Ces Cuatro Putitas sont comme un mini EP à l’intérieur de la compil’, et un véritable exercice de style, puisque Melero s’y prend à quatre fois pour finir d’épuiser le titre original. 

La première version, « Campestre », fait surgir la voix (un peu Florent Pagny m’a suggéré Benjamin Leclerc) d’une vignette tranquille et hypnotique, début de trip. Ensuite, on s’effondre, et c’est une rêverie ambient éthérée parfaitement maitrisée qu’on retrouve sur « Callada ». Puis le fantôme de Florent Pagny revient, très fort, en pleine confiance, en plein milieu de la « Putita Cansada ». Gros malaise ou guilty pleasure, difficile de trancher. C’est alors que Melero décide de définitivement nous envoyer au tapis, avec cette merveilleuse version « Gotica », à la fois inquiétante et suave. Dans Ashby, Pierre Guyotat invente un mot tendre, l’être aimé devient un « miel de marécage ». C’est un peu là qu’on arrive, à la fin des Cuatro Putitas, englués dans la boue et le sucre. 

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