Dimanche de contrebande n°8 – Sur quelques rencontres et découvertes plus ou moins fortuites réalisées en itinérance musiquée

Musique Journal -   Dimanche de contrebande n°8 – Sur quelques rencontres et découvertes plus ou moins fortuites réalisées en itinérance musiquée
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Je suis rentré mercredi dernier d’une tournée avec le gang Dragon du Poitou, l’un des projets musicaux auxquels je collabore, dans l’état que vous pouvez imaginer : pas vraiment propre, en manque cruel de sommeil, le compte courant béant comme un gouffre, mais marqué par cette félicité d’avoir mené à bien une quête sacrificielle et salvatrice avec la commu’. On ne revient pas directement de ces périples, ni en étant complètement le/la même, d’ailleurs (quel romantisme). Il est, pour un temps, difficile de s’extraire de l’aventure, il y a toujours un tuilage à établir avec une vie plus sédentaire ; les gentes et les musiques rencontrées, pour la première fois ou non, restent avec et en nous. Alors, oui, je sais, c’est la seconde fois en peu de temps que je donne dans le carnet de voyage, mais il me tient à cœur de vous entretenir de cela, en partant sur des tableaux succincts, façon ethnographie tranquille et sans trop de bavardages – on va pas non plus tomber dans le gonzo de bas-étage, c’est Musique Journal ici !

Genève. Sett & ravyfairx foutent la pression (avec mignonnerie).

C’est la première fois que je me rend dans la belle ville de Genève – pour les connaisseur·euses : le Bourg Palette de l’Europe –, et donc que nous y jouons aussi. Nous sommes reçu par le vénérable Pompon au Dupleix, lieu de musique architecturalement en accord avec son nom. C’est la première date de la tournée, tout se passe bien, nous sommes encore relativement frais ; l’ambiance est bonne, les canettes sont fraîches ; c’est parti pour le show, et le stade est bien chaud (dans une optique suisse, hein).

La rencontre musicale de cette soirée se fait avec nos collègues d’affiche d’alors, Jeanne (SETT) et Camille (ravyfairx). De la musique d’écorché·es brûlante, digitale pour la première et guitaristique pour la seconde. Il n’y a rien de réellement extravagant dans les dispositifs, mais je me trouve claqué au sol par l’intensité des performances, la densité du son, la dramaturgie et la narration de ce qui se déroule. C’est du bruit qui va chercher derrière le bruit (comme souvent) sans forcément dire non à l’harmonie et aux mélodies, avec une sensibilité assumée qui dit la colère mais aussi une masse d’autres sentiments et sensations, ce qui fait beaucoup de bien. Malheureusement, les enregistrements disponibles online ne traduisent pour moi que très faiblement la profondeur émotionnelle et sonore ressentie in situ – pas grave, comme d’habitude, on fera un bootleg pour corriger le tir.

Saint-Germain Laval. Barnabaie rentre de tournée.

Ce village du 42, que je qualifierais de manière pléonastique d’assez peu densément peuplé, compte pourtant le plus haut pourcentage de pratiquants des musiques traviolisées au mètre carré du département. En ce lieu chaleureux qu’est le Cheval Blanc (la salle de concert du bled), il y a les vieux du coin qui tiennent le bar et achètent des cd par principe, des jeunes traquant la moindre fiesta, un babyfoot mais surtout plein d’ami·es que je suis enchanté de voir. En plus, nous jouons avec Omertà (je pense alors à vous, Étienne et Hervé !), groupe ami et jumeau au notre dans sa composition, évoluant cependant en L1 Uber Eat. On est un peu à la maison, quoi – et merci à Pauline pour l’accueil, d’ailleurs.

C’est dans ce contexte que je fais la connaissance de Barnabaie (oui, c’est un nom de scène). Il me dit être sur le chemin de retour d’une tournée, me parle de sa « musique pour guitare classique » et je sens direct l’embrouille ; effectivement, c’est ça et ce n’est pas du tout ça en même temps, en tout cas ça sonne super. Mon portable s’est auto-détruit depuis (je soupçonne évidemment et sans fondement le Mossad parce que je poste beaucoup trop sur Gaza), mais je peux toujours écouter la belle musique d’Antonin (c’est son prénom), ce qui est déjà bien.

À Marseille, Sara Lehad fait littéralement trembler les pantalons (c’est souvent bon signe).

Alors là, pas une rencontre, car Sara est une amie vivant aussi à Marseille. Le conflit d’intérêt est absolument total, comme souvent avec moi : j’ai déjà sorti sa musique, et c’est également moi qui organise cette journée de concerts au Meta – encore des potes partout, des bénévoles (Raja, Laurie, Nadia, Sarah !) jusqu’aux tauliers (Simon et Rafa !), nous sommes dans un népotisme totalement décontracté.

Si vous avez déjà vu jouer Sara ces derniers temps, vous saurez que cette collusion digne du RPR ou de Gaston Deferre n’a aucune importance tant sa musique annihile le sens même du terme corruption. Ses performances en no-input sont une libération, une salvation, « un cri qui vient de l’intérieur » oserais-je presque, une sorte de massage cellulaire énergétique qui fait du bien parce qu’il fait mal, à elle comme à nous (surtout en ce moment). Elle est une étoile en ascension constante sur une courbe hyperbolique (je suis nul en math), chaque concert est plus intense que le précédent ; elle a fait une pièce pour Radiophrenia Glasgow (c’est celle que je vous ai mis en lien, qui est vraiment superbe) à la demande de Mark Vernon, le prochain arrêt c’est la direction du GRM, bravo ma chérie !

Voilà, troisième jour de tournée, les PV continuent de baisser mais on est heureux. j’en profite d’ailleurs pour mentionner que Marion/Manoir Molle (dont j’ai déjà parlé sur MJ) complétait la prog, musique super comme d’habitude, genre Xenakis qui s’ambiance dans une cyber-taverne flamande, je pourrais réécouter mille fois ce concert, aussi magnifique qu’inconfortable.

Grenoble. gogabriel sonorise la sieste.

De Marseille à Grenoble, il faut déjà noter que la route est magnifique, ce qui n’est pas un simple détail quand on s’enquille autant de kilomètres en tentant d’éviter les péages. C’est ça qui est bien, dans les tournées : l’espace ouvert par cette itinérance. Une spatialité fondamentalement sociale et affective, mouvementée, entraînant de nouvelles façon de se loger dans le monde, d’être à celui-ci.

Ce soir, nous jouons dans un local aussi minus qu’accueillant, la cata, faisant aussi office de bureaux pour des graphistes et des architectes. Réception au top par Fanny, cocooning alternos sans concession. Gabriel, performant musicalement sous l’alias très ergonomique de gogabriel, joue avant nous : il propose, devant un parterre d’auditeurices décontracté·es, un set d’ambient vraiment classe, sophistiqué et pas trop bavard, mais surtout vraiment humble et empli de clarté. Les sons de synthèse rencontrent ceux du vrai monde – des oiseaux, du vent, le bruit de la rue, des voitures, que Gabriel me dit avoir enregistrés depuis sa fenêtre –, et il ne faut pas grand-chose de plus pour que cela devienne magique.

Avachi sur un pouf, je m’endors littéralement en trois minutes, et mes camarades me font gentiment remarquer que je ronfle comme une outre.

Vaulx-en-Velin. Luca Retraite est derrière le bar (et il a un nouveau projet).

Cette tournée est partie de Vaulx-en-Velin – nous avons fait notre résidence de création là-bas, à Grrrnd Zero –, et elle se clôture ici. Logique implacable pour un final qui sent l’apothéose : ça joue quasi à domicile et sur un acousmonium. La tension commence à retomber : on l’a fait ça y est, on rigole pour n’importe quoi, et « je sens que ce soir va être une bonne soirée », assurément.

Outre la ribambelle de visages connus dont je me délecte, il y en a un que je ne m’attendais pas à voir ici et qui me met dans un joie inattendue : Luca « Ventre de Biche » est dans la place, ce qui veut dire teuf à 200 km/h et supplément lol. On parle un peu de musique, et notamment de son nouveau projet techno sur 4-pistes, Rompicapo. Ça a l’air chouette, dit comme ça, et ça l’est évidemment (j’ai pu écouter depuis) : méchanceté, aiguës et compression à la sauce motorik. Il n’y a pas grand-chose sur le net outre cet extrait de live, mais je crois que je comprend l’idée.

Le tout nouveau Charlène Darling Groupe joue, juste avant nous, des chansons extrait de son dernier opus. C’est incroyable, beau, drôle, étrange et bien fait ; je n’ai pas aimé un concert de musique pop comme ça depuis longtemps. Pour celui-ci comme pour le notre, Rémi Georges, jeune être humain irradiant la bonne ambiance dans toutes les directions, s’occupe de la console – il faut aller écouter son label, Ordinateur dans la Tête, publiant des cassettes de musiques live-codées, ce qui ne s’invente pas.

La soirée continuera encore très tard, on rachète un fut, on fume des trucs, on éructe de plaisir. Puis viendra la fin, le sommeil, le rangement, le retour chacun chez soi, les au revoir momentanés, et la fin de cette aventure collective, improbable et sur le fil, qu’est la tournée sans tourneur.

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