Au fond de l’Inconnu, pour trouver du nouveau ! [5]

Musique Journal -   Au fond de l’Inconnu, pour trouver du nouveau ! [5]
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ML BUCH – Suntub (15 Love)

Dans le flot continu et parfois limite oppressant des nouveautés musicales, j’étais passé à côté de ML Buch, jeune Danoise qui a signé récemment son deuxième disque sur 15 Love, nouveau label dont on ne sait absolument rien par ailleurs. Le disque m’est apparu comme une respiration, une fuite, deux choses dont j’avais énormément besoin dans un quotidien confus et angoissé. Tout l’album tient un parallèle puissant, selon moi, avec le morceau « Drifting » de Once Dreamt, œuvre unique et magistrale de ce side project de Windy & Carl, dont il n’atteint forcément pas la stature, mais s’en rapproche subtilement par son côté lancinant et nonchalant. C’est effectivement de la musique de « dérive », là où quelques ondes, une guitare et deux, trois arrangements digitaux peuvent vous prendre la main, vous ouvrir d’insoupçonnées lignes de fuite. La voix est peut-être trop présente, trop affirmée ou trop produite, ce qui nuit parfois aux accords qu’elle surplombe. Mais les sensations instrumentales restent focalisées sur cette obsession de l’évasion, pas vraiment du voyage à proprement parler, mais sans doute de l’éloignement, du recul. Un morceau comme « Somewhere » l’illustre parfaitement. Textures folk, oripeaux virtuels, ambiance très pro-neurasthéniques traité à l’ayahuasca, mais aussi un peu aux benzodiazépines. Cool cocktail. Ça me fait aussi souvent penser aux Pale Saints ou à 78 % du catalogue 4AD, tout en gardant une singularité assez lumineuse. Pas assez désespéré/désespérant pour être anglais, quoi. Mais flotte à l’évidence sur ces 15 morceaux le spectre du shoegaze et de l’ethereal musique des années 90, des mouvements finalement rarement remis au goût du jour, où alors sans finesse, sans cool. Ici, c’est plus que réussi, une potion mystique qui parvient à nous hisser fièrement au-dessus de la chape de merde des évènements, du quotidien et de la parole des cons. [NN]

unkle G – an honest meal (EquiknoxxMusic)

Ça fait un petit moment que je n’avais pas été obsédé par un album, et là je parle obsession adolescente, écoute en boucle et écervelée, du genre qui te rappelle viscéralement pourquoi tu es encore là, à écrire des salades sur la musique alors que tu es pourtant largement overage pour te livrer à ce genre d’activités. unkle G est donc l’alter ego vocal de Gavsborg, éminent membre du collectif berlino-jamaïcain Equiknoxx (dont quelques membres sont présents ici). Le disque se veut une ode à l’expérience du studio, à la fois dans ses terrassantes productions électroniques – d’une précision aussi folle quand elles vont chercher l’ampleur et l’émotion que lorsqu’elles optent tout pour la déconne jungle et l’oubli dans la danse – que dans ses lyrics qui en détaillent dans un exquis patois insulaire les joies (« In the Studio with My Bestie ») et les déconvenues (« Popcaaan Said My Riddims Aren’t Good »). Album de l’année de la semaine, haut la main. [HL]

Levitation Room – Heaven (Greenway Records)

Dans la série qui ne finira jamais et qui s’intitule « Les bijoux pop de la vie qui font trop du bien dans le monde tout pourri », Levitation Room, groupe fabuleusement fabuleux, californien jusqu’à l’os de la couture mélodieuse de morceaux enchanteurs viennent de sortir un son dont on aimerait faire une mer pour nager dedans. Héritiers respectueux et malins de Todd Rundgren, Brian Wilson, ou Love, le quatuor maîtrise à peu près tout. Il ne manque aucun ingrédient à la recette mélodico-harmonique de cette petite leçon d’amour : « Awa ah awa ah… yes it feels just like heaven ». Et je ne sais pas vous, mais moi, je veux bien l’écouter mille cinquante deux fois cette phrase chantée comme ça, avec le petit riff derrière qui tombe parfaitement là où il faut. À l’écoute de cette chanson à magiques guitares qui vient border les sentiments pour les garder bien au chaud, on peut s’endormir content·e·s, le sourire aux lèvres, puisqu’elle n’est qu’un échantillon du prochain album du groupe dont la sortie est prévue en février prochain. Sleep tight. [AD]

Sarah Davachi – Long Gradus (Late Music)

Une pièce, composée de quatre mouvements et d’une durée d’un peu plus d’une heure, jouée par quatre ensemble différents (violons, alto et violoncelle / flûtes et clarinettes / orgue et trombones / voix et électronique) : voilà la géographie de Long Gradus, nouvelle œuvre de la compositrice Sarah Davachi. Madame Davachi qui n’a donc pas fait dans le moite-moite, et nous sort une collection de dérives titanesque, toute en bourdons, résonances, harmoniques et battements. C’est d’une clarté indéniable et pourtant profondément complexe, il y a du sacré libéré du religieux là-dedans ; et puis c’est peut-être la période qui me fait dire ça, mais je trouve que cette musique porte le deuil avec une dignité folle. Chaque mouvement est un sépulcre, les ondulations harmoniques déplacent des mondes et meuvent par la même occasion les organes. Je vous conseille d’ailleurs de vous enchaîner le tout d’affilée, c’est aussi intense que salvateur – les larmes sont montées plus d’une fois, je dois l’avouer. Bref, pour conclure à la façon d’un éditorialiste sur LCP : si Long Gradus est une œuvre qui en appelle à notre « humanité profonde » et nous permet de « prendre de la hauteur », elle nous amène surtout à comprendre que l’on ne regarde plus le gouffre depuis son seuil ; que l’on y est tombé depuis bien longtemps, et que cette musique n’est qu’un résidu de lumière que nous pouvons encore percevoir, inconscients de notre chute. Mais ça on le dit moins, à la télé. [LP]
(NdR : on recommande également si ça vous intéresse les Selected Works I & II de Sarah, sortis conjointement sur Late et Disciples fin septembre dernier, qui reviennent sur ses plus de dix ans de carrière.)

Keanu Nelson – Wilurarrakutu (Altered States Tapes)

Quand il y en a un peu plus d’un an on tombait en arrêt devant le Red Ribbon de Yuta Matsumura et sa pop dubby et sophistiquée, entre chien et loup (eh ouais), on ne s’attendait sûrement pas à le recroiser aux confins du Territoire du Nord australien, mais voilà, tu choisis pas toujours, c’est comme ça. On le retrouve donc cette fois-ci dans le fauteuil (plus probablement un tabouret pliant ou quelque chose du genre) de producteur de cet album proprement incroyable, sur lequel il s’est mis au service des chansons de Keanu Nelson, un artiste du cru. Si le dialecte aborigène nous laisse évidemment à la porte (même si l’anglais passe occasionnellement la tête dans l’entrebâillement), Keanu chante ce qu’on imagine être des récits/leçons de vie/spiritualité avec une voix qui charrie l’émotion avec suffisamment de limpidité pour toucher en plein cœur. Matsumura lui a bricolé des beats – l’album a semble-t-il été enregistré dans la communauté artistico-désertique de Papunya, dans des conditions relativement sommaires et dans une certaine urgence, l’occasion d’une visite de Matsumura faisant nos larrons –, tantôt reggaeisant, tantôt solennels (solennel dans le sens « Hymn of the Big Wheel » de Massive Attack, vous voyez ce que je veux dire ?), voire les deux, pour un résultat étrangement addictif. Ça sort chez les Australiens d’Altered States Tapes, qui se trompent assez rarement, il faut bien le dire. [HL]

Young Scooter – Streetz Krazy (EMPIRE) / Peewee Longway – Who Am I ? (EMPIRE)

L’arc du trap rap s’étend sur une période si longue que le chapitre boom bap est devenu, dans le grand livre du rap, ce que le rockabilly est au rock’n’roll, un prologue quasi préhistorique. Son histoire est si longue que ses pionniers sont désormais des briscards ressassant de vieux souvenirs, des pères de famille nostalgiques. Beaucoup se sont assagis au point d’être un poil lisse et ennuyeux, d’autres ont préservé la texture et la formule d’origine pour proposer des mixtapes aux allures de capsules temporelles. Ce mois-ci, Young Scooter et Peewee Longway ont sorti des bons albums de trap de vieux, sans surprises, plein d’homélies évoquant les offices de 2013, rendant hommage à Gucci Mane et à OJ Da Juiceman parce qu’ils sont pour eux l’équivalent de Schooly D et de Slick Rick. « How Can I Change », demande l’un, « Back to That Trappin » assène l’autre. Cette fois, ça y est, ce trap rap-là est un plaisir d’anciens. Old school. [NP]

Lauren Ville – Apostrophe Express sous L’Ossuaire​.​.​. (Simple Music Experience)

Tu aimes le jazz, le grouillant et les collages, la patine sonore crypto-ethnographique et romantique propre aux explorations dangereuses et héroïques des mondes engloutis ? La première et expéditive (moins de dix minutes par face) cassette de Lauren Ville est pour TOI ! Des trames se tuilent de manière plus ou moins abruptes, les boucles bousculent gentiment mais sûrement nos facultés mentales, et on se love sans peine dans ces épaisses couches de résidus de bande magnétique. C’est fumeux et champignonné, plus indus que Springfield et totalement chic, Borsalino et cuir de flic (usé mais impeccablement coupé) de rigueur. Devant un écran cathodique à un moment indéterminé de l’histoire humaine récente, laissons le sens s’échapper puis se réinvestir au fur et à mesure dans ces samples qui tiennent par miracle encore debout ; des discours distendus et des ambiances d’une Saturne d’avant (Sun Ra est toujours planqué quelque part, on dirait) nous parviennent, des bouts de bidules familiers et non-identifiés se chevauchent. La pub se superpose à un épisode du Dessous des cartes lu à la vitesse 0.175, George Pernoud trifouille des trucs derrière le canap’, la télécommande est définitivement perdue ; et ce téléfilm qui doit démarrer depuis plus de 5 heures, déjà… [LP]

Koyo – Would You Miss It? (Pure Noise Records)

Il est toujours agréable d’être surpris par la vie, par le monde, par ses habitants, et l’on oublie toujours à quel point cette sensation s’avère grisante et intellectuellement stimulante, mélomanes occidentaux blasés que nous sommes. Là par exemple, je me vois doublement surpris : 1. je trouve cet album d’emo hardcore excellent en dépit du fait que 2. il s’agisse indubitablement d’un album d’emo hardcore strictement basique, bien fait certes, mais réalisé dans des conditions on ne peut plus « normales » (trop produit, trop inspiré de Jawbreaker, souvent clignant un peu trop ironiquement de l’œil en direction de NOFX et de Millencollin [wink 8-D]) sans que pas grand-chose ne vienne ajouter / galvauder / baiser / fonceder ce précipité de jeunesse punk rock déprimée de la fin des années 1990. C’est du pur middleground skatepunk pour adolescents d’avant réalisés par des trentenaires de maintenant, 100 % aucune surprise, à part peut-être la calvitie arrogante du frontman hurlant à chaudes larmes au sujet de ses amours contrariés et des micro-inconforts que la vie réserve à tous – et surtout aux enfants d’Amérique du Nord. Tous les morceaux se ressemblent, tous tentent à leur façon de faire revivre le rêve jamais éteint de la banlieue pavillonnaire pré-Columbine, et « Anthem » peut s’écouter 50 fois de suite. Ils rejouent à Paris le 5 décembre avec d’autres groupes de hardcore (quoique virils, eux), ramenez-vous. [JM]

Clara! – Pulso (AD 93)

De Clara!, on connaît le goût immodéré pour le reggaeton, décliné depuis quelques années sur ses mixtapes Reggaetoneras et une poignée de sorties chez Éditions Gravats. L’Espagnole revient ces jours-ci du côté du label londonien AD 93 – où des gens comme Valentina Magaletti, Coby Sey, Loraine James, ou James K ont leur rond de serviette – et on est bien content d’avoir de ses nouvelles. Entourée des producteur·ices Low Jack, SKY H1 et Pearson Sound, elle se frotte à nouveau au genre sur ce nouvel EP qui pourrait bien (on l’espère en tout cas) élargir singulièrement son audience. Difficile de résister en effet à la vibe concomitamment flottante et terrienne, nébuleuse et érotique, de ces six titres, où l’artiste dit avoir voulu explorer son propre désir. Mentions spéciales à l’introductif « Brillo » et à « Te Llevo », deux prods à quatre mains signées Low Jack et SKY H1, dans lesquelles on se voit assez bien se lover durant les hostiles mois à venir. [HL]

Dégâts des eaux – D​​​é​​​g​​​â​​​ts des eaux (Cœur sur toi/Amicale du hard rock sensible)

« On joue d’abord et après on verra » pourrait être la note d’intention de quatre minuscules teenage symphonies qui nous emballent : un peu hard, un peu soft, les guitares s’amusent à être méchantes, les harmonies sont pliées avec le cœur, et l’envie de hurler se fait sentir. On peut dire que le groupe Dégâts des eaux nous comble de joie avec sa pop à guitares énervées soulignée par un synthé trouvé dans la rue (pour le tester, on le met donc à fond et on en met partout). Il et elles vadrouillent entre Marseille et Bruxelles et on pourrait les rapprocher de leurs voisin·es doué·es Cœur à l’index ou Pogy & les Kéfars : Harmonie et sa bande retrouvent cette vibration power pop 2000 à la Weezer (saouls et tombés dans le Vieux-Port), mélange marrant de romantisme ado et d’urgence aux accents lyriques et vibrants. Parfait super 45t à l’ancienne (4 titres) qui sort en fait en cassette dans un pliage sérigraphié tout mignon en forme de petite boîte de mouchoir, nécessaire quand notre cœur se serre au son de « Tristesse », et ses 66 secondes parfaites. [RS]

La Bibliothèque de la Bergerie – La Bibliothèque de la Bergerie (Freaksville Records)

Le nom de cet album, de ce projet, ce voyage, ce rêve… n’est pas un oxymore mais presque. En tout cas, il est juste parce qu’il évoque ce mélange de références passées, classées, de sophistications en somme et de décors en herbes. Mais plus simplement, la Bergerie est un vrai lieu de vie et de création où Astrobal, alias Emmanuel Mario (ou vice versa), a réuni une fine équipe pour composer cette enveloppe à demi-lune et soleil déclinée en onze titres d’une douceur à la puissance toute annedufourmantellesque. Sons seventies, anciens, nouveaux, voix vaporeuses, on ne sait pas bien où on navigue. On entend, on écoute, on suit un joueur de flûte de Hamelin qui serait bienveillant et ramènerait à la fin tous les enfants à bon port après une virée tellurique qui transforme l’air de rien, qui intrigue, qui fomente une énigme sonore en multi-couches, synthés et cloches de vaches suisses au loin. On nous perd et on nous retient. Avec tendresse, à tout le moins. [AD]

Kodak Black – When I Was Dead (Vulture Love)

Avec son parler vernaculaire et cabalistique, ses récits de la déchéance et de l’irruption progressive du mal, son univers gothique et grotesque, Kodak Black aurait pu être un personnage de William Faulkner. Il aurait, aussi, dû être l’équivalent d’un Gucci Mane ou d’un Lil Wayne pour le rap. Après avoir plaidé coupable d’agression sexuelle, puis pour avoir apporté son soutien au héraut de l’extrême droite américaine, qui en échange l’a fait gracier comme on le fait avec les dindes promises aux sacrifices de Thanksgiving, il est finalement honni. Reste que son dernier album, sorti sans fanfare, confirme un talent qu’on ne croise pas deux fois par génération, et un pouvoir qui fait raisonner son histoire avec la notre, ce qu’il est avec ce que nous aurions pu être, ou ce que nous sommes : des limaces condamnées à ramper sur le sol. [NP]

ssaliva – sector6pack/counterfeit (self-released)

Toutes les sorties de ssaliva ont quelque chose de profondément fort et unique. Je crois qu’il n’y a pas un truc que je n’ai pas aimé dans ce catalogue magique, où rayonne, à mon sens, la vraie définition d’une musique émotive, populaire et secrète. Rien n’est jamais calculé et un chef d’œuvre peut vous tomber sur le bout du pif aussi rapidement qu’une cuite du mardi soir. C’est le cas encore une fois avec sector6pack/counterfeit, probable dossier d’archives des derniers titres de l’artiste, dormant sagement dans les connections digitales de son jardin secret et qu’il a la noblesse de nous offrir sans le moindre effet d’annonce, comme d’hab. Admirez la modestie et cette désinvolture puante de style et de grâce. J’ai beau avoir 33 ans, les postures absconses et impertinentes m’exciteront toujours. François nous balance donc à la gueule douze titres qui vont bercer votre fin d’année, où halos mélancoliques et nimbes vulnérables semblent dosés avec une précision toute horlogère. Les morceaux oscillent brillamment entre arrangements électroniques, probablement aussi beaucoup de samples aussi, et compositions plus folk à la guitare, dans une belle reviviscence des débuts, renouant avec Mercury Coast, son premier essai de 2011. Mais ça ne l’empêche pas de s’immiscer, éternellement, vers des auras d’amour adolescent, comme la bande-originale du meilleur teen movie qui n’existe pas de 2023 (« Weightless »). Quelle simplicité, quelle fragilité. Les liens sont forts avec ssaliva et j’ai toujours une pensée furtive et égocentrée à l’écoute de son travail, l’impression que tout ça a été fait pour moi, pour mon plaisir exclusif, dans une connexion privilégiée et déterminée. Vous avez du bol : je suis prêt à partager. [NN]

Static Cleaner Lost Reward – Breathing Under Honey (Low Company)

Là on prend un peu d’avance, l’album ne sort que dans quinze jours, mais les deux titres magistraux d’ores et déjà en écoute justifient amplement cette entorse à la règle (qui de toute façon n’existe pas). Static Cleaner Lost Reward est le nouveau projet d’un homme qui n’en manquait déjà pas : Tarquin Manek. On a déjà parlé de lui ici à l’occasion de la sortie de l’album de YL Hooi, sa complice de longue date (qui pointe d’ailleurs ici son nez à deux occasions) : n’hésitez pas à utiliser la fonction recherche du site, en haut à droite. Australien érudit et délicieusement perché, il creuse depuis dix ans un sillon qui n’appartient qu’à lui (même s’il a déjà collaboré avec Clara dal Forno ou CS + Kreme). On ne pouvait rêver mieux pour l’ultime sortie du déjà regretté label anglais Low Company que ce Breathing Under Honey (ce titre…) où se carambolent joyeusement toutes les obsessions de son auteur, post-punk, dub, ethio-jazz, techno envapée, musique expé, Arthur Russell, BO de film noir, et que sais-je encore. Sans jamais tomber dans la parodie, la lourdeur ou l’exhibition. Ça va vous plaire, garanti sur facture, comme disait Séraphin Lampion. [HL]

Fusiller – Intuition Negation – Musiques pour films (Fougère Musique)

Il faut vous y faire : Jo, tripier en chef de la maison Tanzprocesz, a plus qu’entamé sa mue. Ce qu’il aime par dessus tout maintenant – peut-être a-t-il toujours aimé ça, peut-être a-t-il toujours fait ça, mais c’est en tout cas maintenant indéniable –, c’est faire de la musique pour corbeaux au modulaire, pleine de saignements, de dieux déchus et d’émotions épiques. Les treize morceaux-fragments de ce disque sorti sur le label essentiel Fougère Musique forment un édifice ogival, à la fois lugubre et sacré ; une cathédrale, une messe et sa foule des fidèles, tout ça à la fois. « Musiques pour films », dit le sous-titre : j’imagine à chaque écoute un thriller-péplum mystique et libertaire à l’intrigue impossible, genre Andreï Roublev adapté par Cassavetes. Cette façon de faire exister autrement la richesse et la complexité du sonore, que ce soit au niveau harmonique ou textural, est fascinante et singulière : impossible de ne pas reconnaître l’émetteur de cette plainte de fond de crypte. Tout est facile, étrangement beau et terriblement heurté (dans tous les sens du terme), dans cette musique contemplative et habité, possédant sa logique propre. Elle se place à une certaine distance, magnifiquement, mais susurre dans le même temps directement dans l’oreille. À la fois émo, médiéval et acousmatique : assurément le truc le plus gothique que vous entendrez sur cette fin d’année, no problemo. [LP]

PS – abracadabra – The Hand that Feeds (Melodic Records)

Je cale vite fait à la fin cette petite reprise dup pop sucrette tête-à-claques de Nine Inch Nails par les Californiens d’abracadra. J’ai honte, j’assume mal, mais voilà. On se retrouve le mois prochain ! Bises. [HL]

Pièces électroacoustiques et intersectionnalité des voix dans la Colombie des années 60 et 70 [archives journal]

Disparue en 1975, la compositrice colombienne Jacqueline Nova nous a laissé entre autres une œuvre intitulée Creacion de la Tierra dans laquelle elle travaillait des enregistrements de rites et de chants de la communauté andine U’wa. En 2019, Victor Taranne écoutait et interrogeait cette pièce aux vertus intersectionnelles.

Musique Journal - Pièces électroacoustiques et intersectionnalité des voix dans la Colombie des années 60 et 70 [archives journal]
Musique Journal - La carpe, le lapin, et la musique désinvolte d’une semi-divinité texane

La carpe, le lapin, et la musique désinvolte d’une semi-divinité texane

Avec fougue et passion, Thomas Dunoyer de Segonzac évoque le second album extrêmement dangereux du texan Craig Clouse, plus connu sous l’alias de Shit and Shine, quelque part entre boogie-rock salace, musiques industrielles et bruits souillés sur-compressés. Pour bien commencer la semaine, ou continuer son tout droit du week-end.

Sommes-nous en train de vivre une résurgence néo‑metal ?

Les bilans de Musique Journal ne sont pas encore finis ! Ce matin, c’est Sarah Mandois qui nous parle de l’imprévisible mais palpable retour du néo-metal. Elle en profite pour revenir un peu sur ce qu’a été, voici vingt ans, ce moment si particulier, si mal compris et si important de l’histoire de la pop culture récente. 

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