Mes 10 albums préférés des années 10

1. FRANK OCEAN Blond
Boys Don't Cry, 2016
2. RASHAD BECKER Traditional Music Of Notional Species Vol. I
PAN, 2013
3. TYLER, THE CREATOR Flowerboy
Columbia, 2017
4. GEORGE ISSAKIDIS Karezza
Kill The DJ, 2013
5. CHASSOL Indiamore
Tricatel, 2013
6. THE INTERNET Feel Good
Odd Future, 2013
7. JAMES FERRARO Skid Row
Breakworld, 2015
8. BRANDY Two Eleven
RCA, 2012
9. PREFAB SPROUT Crimson/Red
Kitchenware, 2013
10. THUNDERCAT Drunk
Brainfeeder, 2017
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C’est toujours une expérience curieuse de passer en revue les différents classements des meilleurs disques de l’année, et a fortiori ceux de la décennie – tels qu’il y en a en ce moment sur Noisey, Pitchfork ou même Discogs –, puisqu’on se rend compte à chaque fois qu’on n’a pas du tout écouté certains trucs visiblement très importants et qu’on a, par ailleurs, fait des fixations sur des choses que personne d’autre que soi n’a eu l’air de garder en mémoire. Je ne dis pas que les gens se trompent en plébiscitant les disques de – au hasard – Kendrick Lamar, Lana del Rey, Kanye West ou même Blackstar de Bowie. C’est juste qu’il y a beaucoup de trucs « incontournables » que j’ai écoutés une ou deux fois sans y revenir, et même certains que je n’ai carrément pas du tout testés : c’est tout. Je n’ai pas l’intention de vous donner les dix disques qui, selon moi, ont le mieux incarné les dix ans que nous venons de vivre, porté l’esprit de l’époque, même si certains de ceux que j’ai retenus seront sans doute réécoutés comme des marqueurs du zeitgeist 2010-19 dans les décennies à venir. J’ai préféré simplement choisir les longs formats nouvellement sortis que j’ai le plus écoutés durant cette décennie que j’ai trouvée, par ailleurs, encore plus plombante que la précédente. Je sais bien que dans les années qui viennent je m’éprendrai sans doute d’autres albums issus de ce segment historique, mais en tout cas là tout de suite ce sont ces dix disques qui me sont venus.

Il y a néanmoins dans mes choix des chefs-d’œuvre : Blond (également élu N°1 par Pitchfork, comme quoi) et Flowerboy en sont deux quasi incontestables, il me semble. Ils sont très hautement inspirés, très très identifiables, et surtout très très très travaillés. Ce sont les créations de deux artistes exposés à toute la dureté de la vie et du monde mais qui encaissent, résistent et ripostent avec des gestes d’une beauté et d’une générosité invraisemblables, on devrait leur donner le prix Nobel. Frank est un vrai super-héros mélodique, tous les morceaux sont des classiques pop au bout de deux écoutes et leur relative sobriété en matière de prod leur donne vocation à appartenir à tout le monde : chacun peut essayer de les chanter ou en tout cas les emporter dans son cœur. Le LP de Tyler est à l’opposé sur le plan des arrangements, c’est dense et méandreux mais le mec sait comment rendre tout ça fun et accessible, c’est le principe des ces disques très personnels qui se transcendent pour réussir à parler à tout le monde. Flowerboy demande un petit effort d’attention et de construction et c’est tant mieux, parce que contrairement à d’autres grands « subjectifs » de la pop d’aujourd’hui qui ne s’intéressent qu’à eux-mêmes et ne cherchent qu’à fasciner (Drake, Kanye, je vous vois), Tyler crée une relation dynamique avec ceux qui les écoutent, il se met à hauteur d’auditeur ou plutôt nous hisse à la sienne et instaure un truc de confiance.

Dans un genre mais alors complètement différent, le premier Rashad Becker est pour moi, lui aussi, un moment de grâce et de puissance face à l’horreur du quotidien et de la matière, mais je n’irai peut-être pas en parler comme d’un chef d’œuvre à des fans de Frank ou de Tyler – même s’il possède cette qualité vocale dans son bruitisme électronique, ce pouvoir magique qui me soigne, me nourrit, me parle en direct et m’émeut peut-être encore profondément que la musique des deux ex-Odd Future. Si Indiamore est un chef-d’œuvre, il en est un d’un genre à part, puisqu’il s’agit à la fois d’un disque, d’un film, d’un montage de rencontres, certes orchestré par Chassol, mais où les musiciens indiens ne sont pas juste des interprètes puisqu’ils jouent des choses au départ inconnues de lui : c’est donc une œuvre au statut très spécial, où le Français est à la fois créateur et auditeur, démiurge et dévot. En tout cas, de tous les disques présents ici c’est celui qui me fait le plus souvent pleurer. C’est le seul à avoir été fait par un de mes compatriotes, même si le Gréco-Canadien George Issakidis vit en France depuis très longtemps maintenant. Karezza m’empêche littéralement de parler, je n’ai pas grand-chose à dire dessus si ce n’est que c’est pour moi la plus belle définition de la musique électronique à vocation spirituelle, sacrée, rituelle, je ne sais pas comment on peut désigner ça, mais en tout cas à chaque écoute mon ego prend le chemin de dissolution et je sais que l’extase, un jour, surviendra bien.

Deux de mes choix ne sont absolument pas des chefs-d’œuvre au sens officiel du terme, ils ont pas mal de faiblesses, de facilités, peuvent se répéter un peu, mais ils sont les œuvres de deux personnes si charismatiques à mes yeux et si habiles dans leurs directions artistiques que je leur pardonne ces petits égarements. Le Brandy est merveilleux parce que sa voix, déjà très vintage en 2012, réussit pourtant à claquer comme aucune autre contre les parois des sons, avec ce chant hyper contrôlé, clinique malgré l’émotion, et qui adhère aux instrus – souvent signées Bangladesh, dont ce serait un des derniers grands moments – dans une sorte de cyber-collé-serré qui continue de me mettre dans tous mes états. Le Prefab est là parce que c’est un des groupes préférés et que même si Crimson/Red est moins génial que les classiques de Paddy, ça reste comme une visite rare et miraculeuse de son meilleur ami, de son oncle trop sympa mais qui ne vit pas en France, il procure l’une des sensations qu’on aime le plus dans la vie, celle qui apprend à être désespéré sans s’accabler, à voir le temps filer en soupirant de plaisir.

Je l’ai déjà dit ici, The Internet et James Ferraro sont mes deux artistes favoris de la décennie et j’aurais plus ou moins pu choisir n’importe lequel de leurs disques. Pour le groupe de L.A. – lui aussi issu de Odd Future, on le rappelle –, j’ai à vrai dire davantage rincé leur premier album mais à force j’ai fini par lui préférer un tout petit peu Feel Good, dans lequel je ne suis d’ailleurs vraiment rentré que plusieurs années après sa sortie. Je continue de trouver qu’ils font la musique idéale pour une écoute au jour le jour, pas assez ambitieuse pour mobiliser de façon trop intense mais largement assez détaillée, sublime et nuancée pour accompagner une promenade à pied, un voyage en voiture ou la préparation d’un chili vegan un samedi d’hiver. Dans la discographie de Ferraro, je me suis d’abord dit qu’il fallait mettre l’œuvre « manifeste », Far Side Virtual, mais finalement c’est avec le temps vraiment devenu le contraire d’un disque qu’on écoute dans la réalité, ou en tout cas je ne l’ai jamais réécouté activement en entier depuis qu’il a retourné tout le monde en 2011. C’est son plus grand disque, mais c’est aussi le plus invivable, et je pense que le fait d’avoir balancé ce statement anti-expérientiel lui a permis ensuite de trouvé la clé de son « art » avec des œuvres soi disants plus mineures, plus proches de l’exercice de style mais finalement beaucoup plus vivantes, même si elles s’intéressent d’encore plus près aux ruines. Skid Row, dont j’ai déjà parlé ici, est juste celui sur lequel je suis le plus souvent revenu mais j’aurais aussi pu mettre Music for Recycled Earth, NYC, Hell 3:00 AM, Human Story 3 ou encore Cold.

Quant à Thundercat, je lui décerne le prix de l’album à la fois le plus relax, le plus kiffeur et le plus technique de la décennie, trois choses rarement conciliables mais qui dans Drunk s’épousent sans la moindre hésitation, même si évidemment il y a eu là aussi un travail énorme pour parvenir à cette épiphanie. J’aurais pu le remplacer par un disque voisin, celui des Allemands de Ratgrave, qui lui ajoute au mélange une touche étonnante mais bienvenue de jungle, mais que je n’ai pas autant usé que le monument de Thundercat.

Je signale par ailleurs que c’est un déchirement mais je n’ai pas pu mettre la pourtant inoubliable mixtape Late Nights de Jeremih, qui n’est nulle part sur les plateformes alors qu’il s’agit d’après moi du plus grand chef-d’œuvre R&B de cette décennie.

Je n’ai pas mis de disques entiers de Booba, Gucci Mane, PNL, Rae Sremmurd, Niska, Young Thug, Hamza, Future, Alkpote, Playboi Carti, Ichon ou Migos car avec le rap, je suis comme un enfant, je me passe en boucle toujours les trois ou quatre mêmes morceaux par projet.

Une chose est certaine, et ça tout le monde le dit, c’est que le rap et cette nouvelle soul hybride multi-influences (dans laquelle j’intègre aussi, bien évidemment, les sœurs Knowles ou Blood Orange) ont clairement pris les commandes de la musique jeune. Bien sûr, le rock est toujours là mais je crois qu’il n’y a pas eu cette décennie de nouveaux artistes pop ou rock ultra-influents comme il y avait eu dans les années 2000 les Strokes, Arcade Fire, Arctic Monkeys, Vampire Weekend ou même dans un registre plus confidentiel Animal Collective ou Deerhunter. Il y a eu beaucoup de coups fumants, comme en vrac Mac DeMarco, Tropical Fuck Storm, Fat White Family, Real Estate ou Weyes Blood, mais je n’ai pas l’impression qu’il y ait eu un très gros truc qu’on entend partout dans les pubs télé et les musiques de films, ou que tous les jeunes groupes citent en exemple. Mais je ne demande qu’à me tromper.

En tout cas les bilans de Musique Journal ne font que commencer et celui-ci, sachez-le, était de loin le plus pontifiant. Mes contributeurs seront moins chiants que moi, rassurez-vous ! Bonne journée, bises.

2 commentaires

  • Nour Bousmah dit :

    Du coup ça donne l’impression que les années 10 sont la décennie des projets solo. Huit albums sur les 10 sont signés par des artistes soit très talentueux soit très bien entourés (ou les deux à la fois). Est-ce que l’ère des groupes est dépassée par celle des producteurs ?

  • etiennemenu dit :

    Il y a un peu de ça mais c’est aussi que je n’ai pas mis de rock, seul genre encore vraiment dominé par les groupes plutôt que par les artistes solo, même si ces derniers ont été nombreux à percer cette décennie, il me semble.

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